30 millions d’albums vendus, son cul sur la pochette et le plus grand riff de synthé de l’histoire du rock à guitares. Tel pourrait être le pitch du 7ème effort de Bruce SPRINGSTEEN.
Elaboré en même temps que son disque précédent (Nebraska) mais très différent sur le plan musical, Born in the U.S.A., dont la pochette symbolise l’appartenance à une communauté (les ricains, et plus précisément les cols bleus), est le plus gros succès du Boss qui chante l’Amérique en jean, les vétérans du Vietnam, les amis de jeunesse et ceux qui ne renoncent jamais.
SPRINGSTEEN est au sommet de son art de songwriter bien qu’il s’oriente majoritairement vers le rock FM avec cet opus. Et malgré une production très années 1980, l’album sonne comme un acte de résistance politique à l’heure de la révolution libérale mise en œuvre aux États-Unis et en Angleterre.
Outre les instruments habituels de l’ensemble des musiciens (SPRINGSTEEN et le E Street Band), le synthétiseur – joué par Roy BITTAN – est omniprésent sur ce disque.
Après une gestation qui s’étale sur plus de deux années (environ soixante-dix titres ont été enregistrés, sans compter les chansons de Nebraska issues des mêmes sessions) Born in the U.S.A. est enfin mixé et masterisé en mars 1984.
1. A l'origine, Born in the U.S.A. est un scénario que Paul SCHRADER a envoyé à Bruce SPRINGSTEEN pour qu'il en compose la musique. Celui-ci a récupéré le titre pour en faire une protest song illustrant le livre-document de Ron KOVIC Né un 4 juillet. Sur un rythme rock, la chanson raconte donc le difficile retour d'un GI de la guerre du Vietnam, avec ses couplets sombres, et son refrain revendiquant son appartenance à la civilisation américaine. Chanson qui sera interprétée par certains comme hautement patriotique, et même récupérée – au grand dam du Boss – par Ronald REAGAN pour sa campagne présidentielle de 1984.
Musicalement, Born in the U.S.A. se caractérise principalement par trois éléments : le synthétiseur aux sonorités orientales, la caisse claire qui claque tel un coup de feu, et la performance vocale du songwriter. C'est la première chanson à avoir été mise en boîte pour l'album, et l'une des plus grandes réussites de SPRINGSTEEN (qui la jouera près de 1.000 fois en concert).
2. Le narrateur de Cover Me a sombré dans la paranoïa et demande à sa girlfriend de le protéger. Initialement destiné à Donna SUMMER, cet excellent morceau (qui sortira en single) se caractérise par un très bon solo de guitare exécuté par le Boss.
3. Sur une musique hommage à CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL, Darlington County raconte la virée de deux new-yorkais vers les États du sud afin d’y trouver du travail. Mais lorsqu’ils arrivent à Darlington (Caroline du Sud) c’est plutôt les filles qui les intéressent et leur périple tourne mal… Enregistré en deux prises par un E Street Band au taquet, ce rock très festif est de facture assez classique.
4. Working on the Highway est un excellent rockabilly à la gloire des blue collars, en l’occurrence d’un ouvrier routier à qui il arrive encore une mésaventure. Le morceau s’articule autour de la batterie de Max WEINBERG (dont le jeu a bien progressé depuis The River), et malgré son côté fifties revival, sonne étonnamment moderne.
5. Avec le mélancolique Downbound Train il s’agit à nouveau des humbles de l’Amérique et plus précisément d’un ouvrier licencié qui survit grâce à un petit job et dont la femme l’a quitté. Du coup, il se sent ‘‘comme un voyageur à bord d’un train à la dérive’’. Mid-tempo, la chanson est colorée grâce au synthé de Roy BITTAN et à la voix émouvante de Bruce SPRINGSTEEN.
6. Inspirée par le rythme d’une chanson de Johnny CASH, I’m on Fire, au texte particulièrement érotique, repose sur trois instruments : la superbe partie de batterie de WEINBERG, la Telecaster-Esquire de SPRINGSTEEN, au tempo parfaitement régulier, et les interventions très inspirées au Yamaha CS-80 de BITTAN. Enfin, la voix douce et sensuelle du Boss fait de I’m on Fire une grande réussite.
7. Hymne à l’amitié et à ceux qui ne capitulent pas, No Surrender est un rock rapide au son dense et riche (contrairement au morceau précédent) avec un petit côté rétro. Richie ‘LaBamba’ ROSENBERG assure les chœurs et les harmonies vocales sur le refrain. SPRINGSTEEN se laisse convaincre (heureusement !) par Steve VAN ZANDT – son ami de jeunesse et guitariste du E Street Band – d’inclure ce titre dans le track-listing de l’album.
8. Dédié à VAN ZANDT, Bobby Jean est une nouvelle chanson sur l’amitié. Elle contribue à donner une couleur rock au disque alors que le Boss craignait qu’il ne sonne trop pop. Avec sa superbe ligne de basse, Garry TALLENT se distingue particulièrement, de même que Clarence CLEMONS avec son solo de saxophone sur la coda.
9. Dans I’m Goin’ Down, le narrateur déprime (comme l’indique le titre) parce qu’il s’est pris une veste suite aux avances faites à sa girlfriend… Il s’agit de nouveau d’un rock, qui fait la part belle aux guitares, bien soutenues par une section rythmique puissante.
10. Glory Days évoque – de façon fictive – les années d’adolescence de Bruce SPRINGSTEEN. Celui-ci rencontre un ancien ami qui aurait pu être un grand joueur de baseball, puis il retrouve une femme qu’il avait connu au lycée, bref la nostalgie domine ce morceau mais sur un ton jovial et teinté d’humour. Le riff d’intro repris à l’orgue par Danny FEDERICI ainsi que l’omniprésence de VAN ZANDT (guitares, mandoline, harmonies vocales, chant) caractérisent ce morceau.
11. 1er single de Born in the U.S.A. Dancing in the Dark a été enregistré au dernier moment, à la demande du producteur Jon LANDAU qui voulait un hit pour l’album. Cette chanson évoque la difficulté de créer (ou d’écrire un tube^^) alors que le Boss est dans une grande lassitude physique et morale. Pour autant, la musique, légère et dansante, contraste avec la tristesse des paroles. En outre, le synthé de Roy BITTAN domine littéralement les autres instruments.
12. Avec My Hometown SPRINGSTEEN raconte ses souvenirs dans sa ville natale : son enfance avec son père, son adolescence marquée par les tensions entre Noirs et Blancs, la fermeture de l’usine puis son départ de Freehold. Le synthé de BITTAN domine encore les arrangements tandis que l’ambiance est nostalgique et la voix du Boss émouvante.
Born in the U.S.A. sort le 4 juin 1984 et les chiffres qui vont suivre donnent le tournis : N°1 dans une dizaine de pays, 7 singles classés dans le Top 10 Billboard Chart et près de 30 millions d’albums vendus (notamment grâce à une tournée mondiale de 156 dates).
Ni le rock, ni les USA, ni Bruce SPRINGSTEEN lui-même ne se sont jamais tout à fait remis du succès phénoménal de ce disque.