Burning Bridges
5.4
Burning Bridges

Album de Bon Jovi (2015)

Au-delà des ponts... Car ceci n'est pas qu'une critique.

Je vais d'emblée vous faire une confidence, j'adore Bon Jovi.


C'est un groupe relativement moyen depuis les années 2000 — en apparence du moins mais ce serait le début d'un trop long débat auquel je serai de toute façon le seul à participer vu leur degré de notoriété quasiment inexistant en France — malgré tout j'en suis un fan absolu.

Il y a des choses comme ça qui s'expliquent pas. Moi c'est la faute à mon paternel.


Parce qu'il s'en gavait déjà avant ma naissance et toujours au courant des années quatre-vingt dix — leur période artistique que l'on pouvait alors qualifier de solide — je suis sentimental vis-à-vis du quintet original devenu quatuor + un employé, devenu trio + deux employés...


Parce qu'on ne rigole pas avec la défection chez Bon Jovi, ça non. Pour sauver la face, on admet garder les membres partis dans son coeur sans faire aucune déclaration ouverte quant à l'admission des nouveaux membres permanents.

Faut avoir l'air soudés entre vieux potes qui ont perdus deux "frères" et maintenir l'illusion t'sais. « On était cinq noms au départ, deux sont partis, on reste trois et pas de discussions ».

Enchaînons.


Depuis j'ai repris le flambeau, poursuivant leur carrière la où mon père a cesser de le faire, soit en 2002 avec Bounce, qui avait pourtant la patate puissance Hard Rock par instants.

Et c'est que je suis très conservateur vis-à-vis de ce groupe dans la défense que je lui offre souvent et qu'il ne mérite pourtant plus. À ce niveau de révérence s'entend, car Bon Jovi n'est certes plus grandiose mais n'a jamais été médiocre. Je l'affirme, le clame, lecteur.


Ses détracteurs aimeraient le croire, ne s'arrêtant qu'aux hits de surface, et il n'est plus de mon ressort de les faire changer d'avis. Chacun ses goûts et ses problèmes.
Où en étais-je... Ah oui, pourquoi je les défend brutalement.

Et bien, c'est un peu ma seconde famille.


Chacun a son petit artiste fétiche auprès de qui l'on demeure fidèle contre vents et marées. De ceux que l'on écoute encore parce que les bons moments qu'ils nous on fait passer supplantent — supplanteront toujours — les déceptions qu'ils leur arrive de vous faire subir. On les aime, c'est ainsi y'a rien à comprendre.

La première chanson que j'ai souvenir avoir chantonné et dont je me rappelle avoir su donner le titre sachant de quel groupe il s'agissait, c'était Born To Be My Baby. J'avais trois ans... Toute une époque, toute mon enfance (larme à l'oeil).


Depuis ce jour évidemment, ma vieille stéréo pour unique compagnie compréhensive de mes malheurs infantiles, un lien indéfectible s'est inscrit entre moi et Bon Jovi.


J'aime la basse discrète de Huey, second bassiste du groupe.

La voix chaude de Jon m'a accompagnée toute ma vie, me secourant dans mes (très nombreux, tendance dépression) moments de faiblesse.
Les claviers de David, pianiste mésestimé, me font autant danser qu'ils peuvent me rendent mélancolique.
Et la guitare de Sambora enfin, chaque fois qu'il nous sort l'un de ses bons solos devenus trop rares, me fait me sentir puissant ; voir avec son album récent pour avoir une idée plus honnête du bonhomme.

Puis il y a Tico, batteur tout en muscle qui au-delà de son indéniable talent profondément (je met ce point en exergue) sous exploité en studio et potentiellement agressif dans sa capacité de destruction massive en live quand on le laisse pleinement s'exprimer (comme pour les autres membres d'ailleurs, très mal employés, et depuis ce début de siècle donc), est un homme pour qui j'ai un infini respect du point de vue humain.


Je ne peux pas croire, pas plus que je ne me serai résigné à l'accepter s'ils avaient confirmé, que la bande à Jon ait accepté sans rien dire qu'on les ait muselés de cette manière vis-à-vis de leur savoir-faire respectifs et en contradiction totale avec ce que le groupe a pu offrir de meilleur dès leur cinquième opus. Même si en soi, sortir un excellent album au bout de la cinquième tentative peut prêter à la moquerie.
Las, ce sont les standards devenu un peu ringards de l'époque du Hard Fm qui imposaient de suivre certains codes pas toujours très respectables d'un point de vue musicale et néanmoins foncièrement funs.


D'ailleurs Bon Jovi, c'était super fun y'a pas à dire. Chaque couplet/refrain étaient calibré bien comme il faut, avec un zeste de (relativement bonne) musique derrière le chant entêtant du beau Jon. Parce que oui, tout de même, c'est vrai qu'il n'est pas dénué d'un certain charme le brave homme et que ça a du pas mal jouer car au début, soyons honnêtes, le bougre ne savait pas chanter. Pas plus qu'aujourd'hui diront certains, nombreux détracteurs aux mauvaises langues qui justifieront leur opinion par les dernières tournées et autres albums studios récemment parus. Vilains...


Sauf qu'il y a eu une époque formidable, courte, tout juste une petite décennie et de quoi pondre deux disques admirablement maîtrisés, l'un (These Days) meilleur que l'autre d'ailleurs (Keep The Faith) ou les gars ont arrêtés d'être une belle bande de grands ados bêtement passables pour se montrer convaincants et intègres.


Preuve en est que sortir un album de « vieux » rock (Keep The Faith toujours) à l'ère du mouvement grunge, c'était quand même pas mal suicidaire. Mais qu'à cela ne tienne, décidé à accomplir un vrai travail au mépris des conséquences, Jon avec l'aide de son fidèle bras droit Sambora, s'est mis à endosser un rôle dont il n'avait pas l'habitude. Celui de l'homme qui a des idées et l'envie de lâcher du leste aux musiciens de son groupe. Ce fût fugace mais Ô combien attentionné de sa part, These Days demeurant le plus beau (et ultime) manifeste du grand Bon Jovi. Relativement oppressant, très rock, engagé... en d'autres termes sérieux et mature.


Les réjouissances n'ont cependant pas été longues et sans prévenir, Boum Bim Bam et Crush. 7ème album studio, début de la fin. Antithèse absolue de son prédécesseur (notez qu'il fallait oser) retenez juste It's My Life, Do It To Ya (demo), Neurotica, Temptation (demo), I Could Make A Livin' et le splendide 100 Years ; malgré eux Bon Jovi se tire néanmoins une balle dans le pied.
Et solide la balle, suicide complet !


Aujourd'hui, quinze merveilleuses années plus tard, sort donc Burning Bridges.

Bien sûr il y a eu de bonnes choses entre temps. Le très correct Have A Nice Day, parfois lumineux, ainsi que The Circle, un disque plutôt bon méritant d'être réhabilité. Voire même quelques fulgurances inouïes dans leurs tracklist comme le surpuissant et sombre Undivided (meilleur titre Post-Crush du groupe jusqu'à aujourd'hui), I'm With You, ainsi qu'un pléthore gargantuesque d'excellentes Faces-B, Rejets et pistes rares dont on peux facilement tirer un second album complet pour New Jersey, Keep The Faith et (très Jazz pour) These Days, voire carrément deux autres des sessions de Crush pleines à craquer de merveilles ou dansent les solos... Ceci ouvrant le raisonnement probable d'une sale embrouille entre la maison de disque et un père Jon finalement pas si manchot dont on aurait honteusement manipulé la carrière.


Comme ce n'est cependant pas le but de cette chronique d'entreprendre le tour de cet état de fait (sinon vous auriez pas fini de m'entendre, enfin de me lire), si l'on se concentre sur les disques commercialisés et bien dans l'ensemble faut admettre, ce n'est pas terrible !


Chaque couple d'années passés, Bon Jovi sortant un nouvel album avec une certaine régularité, j'espérai pouvoir finir l'objet en me disant, « alors comme ça c'est du rock de gonzesse ? Alors comme ça c'est honteux d'aimer ce groupe aujourd'hui ? Alors comme ça il est mauvais ? Je vais vous montrer moi »...

Au final j'ai jamais rien montré du tout. Je reste dans mon coin comme un con à soupirer, pensant qu'après tout j'en avais rien à foutre de leur avis (et du votre, na) car moi j'aime Bon jovi. Vraiment, sincèrement, émotionnellement !


Je dois être un peu masochiste sur les bords (non, non, je le suis carrément, certitude médicale), car si un titre m'insupporte chez eux, je m'en gave jusqu'à l'apprécier un peu, pour finalement l'apprécier beaucoup sachant que c'est mauvais. C'est con hein ?

C'est être fan (belle musique larmoyante)...


Burning Bridges donc, il faut bien y venir au bout d'un moment. Tu suis toujours, lecteur ?

"Un album recyclable aux titres assez vides" lit-on un peu partout. Même la pochette nous met en garde, si c'est pas un signe !
John Bongiovi l'affirme d'ailleurs, parfois même dans certains textes, "ce disque on s'en fout un peu, ce sont des fonds de tiroirs". Le résultat d'un ras-le-bol exprimé avec classe et sans publicité par rapport aux relations houleuses établies entre notre vieux briscard et ses distributeurs commerciaux. Un disque ne servant qu'à honorer un contrat (et sa fin) avec la maison-mère en piochant dans le large répertoire des compositions abandonnées... Pour un résultat médiocre ?


Bon, moi je n'irai pas jusque là. A vrai dire j'aurai plutôt tendance à penser qu'il s'agit du plus bel effort du groupe depuis… Depuis Have A Nice Day soyons fou, quoiqu'en nettement moins rapide, moins gai et plus mélancolique, la galette offrant une majorité de mid-tempo pesants.
Pourquoi pas.


Certaines sonorités comme sur la piste d'ouverture m'ont d'ailleurs fait retomber à l'époque These Days, et bon sang... c'est beau. Toujours pas au niveau de son aîné entendons-nous bien, mais rien que pour ça moi je lui accorde au moins quatre étoiles. La cinquième c'est pour l'effort respectable fourni sur d'autres morceaux. Un (petit) peu (caché dans le fond voyez) de progressif par-là grâce à Who Would You Die For, au demeurant ma piste favorite, trop courte. Un peu de souffle (gâché) sur Fingerprints qui aurait gagnée à être, elle, raccourcie. Ainsi qu'un soupçon d'agressivité par ici - pas trop quand même faut pas déconner - avec un We Don't Run au final très Bonjoviesque, à la basse ronde bien mise en avant et un jeu de batterie qui fait le boulot. Chose fort agréable vu que Torres est trop souvent mis en retrait.


Ça sonne bien moderne aussi ; comprenez par-là du One Direction sous amphétamine. Parce que c'est moderne les One Direction non ?
On me dis que c'est déjà de l'histoire ancienne. Décidément.


S'ajoutent We All Fall Down et son sympathique refrain, ainsi que Saturday Night Give Me Sunday Morning, toutes deux représentant bien ce qu'a fait le groupe ces dernières années. C'est efficace et ça fonctionne mais c'est vite consommé et sans saveur réelle, sans profondeur. J'oublie volontairement deux morceaux parce qu'ils me font juste chier, et pas du fait de leur lenteur acoustique. En général j'aime bien... quand c'est exécuté passionnément !


Clôturent l'album les pièces I'm Your Man, très fun, qui sonne comme en 84 et Burning Bridges, heu… très fun aussi. Et à mourir de rire si l'on se met dans l'ambiance du propos.


Le souci de ce skeud c'est qu'il est plein de bonnes idées, pleins de jolis solos aussi — une bonne nouvelle tellement Jon était devenu radin à leur propos — hélas inexploitées.

Définitivement un constance...


C'est dommage car on ressent un regain d'intérêt du groupe pour « refaire » de la musique.
L'album aurait pu être bien meilleur et ça se sent par les possibilités perçues.
Le piano par exemple, déjà plus admis qu'auparavant, aurait pu l'être d'avantage. La batterie aussi, certes plus présente et pour le coup je ne m'y attendais pas. Elle aurait pu aller au bout de son ambition déployée sporadiquement sur certains morceaux.

Mais non, ça se vautre dans la facilité une fois encore.


Toutes ces pistes engagées pour ne pas aller au bout d'une démarche pleine de potentielle qui aurait pu rendre ce disque réellement intéressant voir bon.
Excellent même bordel…
Bref.

Le mot de la fin ?
Bon Jovi aurait du décéder en 1996, au sommet de sa gloire, de sa légende !

Et tant pis pour Undivided

Vince_Axl
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le 17 juin 2023

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