Je peux déjà sentir les critiques d'un public hip-hop bien frileux qui vont s’abattre sur ce nouvel et 13e opus de Snoop Dogg, le même public qui a vivement désapprouvé le trip reggae à moitié réussi du rappeur. Sur Bush, Snoop Doggy Dogg renoue avec le hip-hop et avec un de ses collaborateurs cultes, Pharrell Williams qui cherche à regagner un peu de crédibilité dans le monde du rap depuis le tournant Happy. Le duo aurait pu s'offrir un disque de Drop It Like It's Hot modernisé, ce qui aurait bien fonctionné, mais le résultat est plus proche de l'album Uptown Funk de Mark Ronson (2015) que R&G (2004). Au programme : de la funk, du hip-hop West Coast en toile de fond et une touche disco.
Snoop Dogg continue sur la lancée funk qu'il avait commencé en 2013 sous le nom de Snoopzilla avec l'album 7 Days Of Funk (passé inaperçu) créé en collaboration avec Dâm-Funk. Avec Bush, le rappeur cherchait à créer un son qui lui rappellerait son époque préférée en matière de musique : les années 70 où la funk était aux nightclubs ce que leur est la dance aujourd'hui. Le pari est clairement réussi car sur les 11 pistes qui font l'album, aucune d'entre elle n'est pas entraînante. Cela est dû à un Pharrell plus enjoué que sur son G I R L et quelques collaborateurs qui apportent vraiment leurs touches : Gwen Stefani qui semble avoir retrouvé la pêche sur Run Away, Charlie Wilson qui apporte une énergie contagieuse sur Peaches N Cream, Kendrick Lamar & Rick Ross qui participent au seul son véritablement hip-hop de l'opus et l'icône des années 70 Stevie Wonder qui vient poser son harmonica nostalgique et fascinant sur California Roll, le meilleur choix possible pour une ouverture d'album.
La nostalgie des années 2000 (et non des années 70) est de mise sur Bush, notamment lorsque Chad Hugo vient se mêler à la production de Pharrell. Pourtant, cet album se veut très actuel - et c'est ce qui fera grincer les dents - par son son très club et très entraînant. Pharrell se répète, comme à son habitude, mais le disque ne se perd pas et ne relâche jamais son énergie ce qui le rend bien plus digeste que G I R L ou Paperwork, le dernier album de T.I. (présent sur Bush mais qui passe inaperçu) où Skateboard P avait le rôle de producteur exécutif. Sans revenir à ses racines, Snoop Dogg propose un disque énergique et réjouissant.
On peut évidemment critiquer l'aspect lyrique assez pauvre ou encore le manque de flow de la part de l'Oncle Snoop - le seul véritable point négatif de cet album - mais Bush s'écoute sans y penser. Peaches N Cream ou This City, parmi les autres, sont des morceaux remplis de positivité qui servent à mettre la pêche, tout ce qu'on attendait des retrouvailles entre Snoop et Pharrell, le tout relevé par quelques trips nostalgiques comme l'excellent California Roll. Bush assume son statut de disque estival et c'est pour ça qu'il passe bien.
Bien sûr, on peut décider d'adopter un esprit pessimiste et l'écouter en pensant que l'époque où Snoop Dogg et Pharrell Williams étaient des artistes phares et innovateurs est bien derrière nous et que cette compilation de titres nostalgiques n'est qu'une façon de se faire du blé. Là, effectivement, Bush passera très mal. Mais la musique n'a pas forcément besoin d'être sur-pensée et absolument innovante pour être efficace et toucher le public. C'est cela que Snoop Dogg prouve avec ce trip californien, un plaisir et non un chef-d'oeuvre.
à écouter : California Roll, pour son ton nostalgique et son harmonica fascinant ; Peaches N Cream, pour son énergie affolante ; Run Away, pour le retour d'une Gwen Stefani plus en forme que jamais ; I'm Ya Dogg, pour son son hip-hop West Coast et la participation enrichissante de Kendrick Lamar.