« Divide ut regnes », diviser pour mieux régner…ou du moins pour mieux se planter. En effet avec Carnival of Souls, les bisous sans maquillage réussissent l’exploit de diviser les fans tout comme ils avaient pu le faire avec The Elder. Mais tout comme son prédécesseur il souffre d’une mauvaise réputation totalement injustifiée. Et pour en rajouter une couche ils mettent cinq longues années à le pondre. Bon réellement je comprend aisément pourquoi la majorité des fans de KISS n’apprécie pas cet album. Il est loin d’être exempt de défauts et ne ressemble pas vraiment au groupe. Bien entendu les ventes de l’album se sont plantées, les résultats étant encore plus décevants que ceux de The Elder (et pourtant). Comme je le précisais plus tôt, KISS adopte ici un son quelque peu différent. Le côté lourd et limite « Grunge » (avec de gros guillemets) se fait encore plus ressentir. Je parle de Grunge parce que Gene Simmons précisera quelques années plus tard qu’il s’agissait d’une tentative d’émuler des groupes tels qu’Alice in Chains…une tentative foirée selon lui. C’est vrai que c’était le meilleur moyen de perdre à jamais tous leurs fans. A savoir que deux anciens membres du groupe Black N Blue participèrent à l’écriture de deux chansons différentes. La présence de Jaime St. James et Tommy Thayer n’est pas anodine. En effet leurs deux derniers albums de l’époque furent produits par Gene Simmons. Mais surtout le jeune Tommy travaillera encore avec KISS et les rejoindra plus tard en tant que membre permanent.
De plus, la sortie de cet album est assez chaotique. Ces fameuses sessions finales, comme l’indique le titre complet de l’album, n’auraient pas dû voir le jour. A la période où le groupe enregistrait ces chansons, Gene et Paul envisagèrent un projet de réunion avec Ace Frehley et Peter Criss. Lors du Live unplugged de 1995, les deux anciens membres y firent une courte apparition. Ainsi l’année suivant le projet de réunion était réel ! Sauf que cette histoire sera pour une autre fois. Mais dans ce mouvement de retour aux sources, les diverses sessions de Carnival of Souls se retrouvèrent à circuler entre fans sous forme de copies pirates. Se retrouvant comme des cons, Gene et Paul se précipitent pour sortir officiellement cet album.
Et cette précipitation se ressent rien qu’en regardant la pochette. Les quatre membres de l’époque y sont tous présents (Paul Stanley, Gene Simmons, Bruce Kulick et Eric Singer) et toujours sans maquillage. Il semblerait que la photo a été prise lors des divers enregistrements, enfin…façon de parler, on remarque que le groupe y est bien apprêté. Et ils semblent aussi avoir été redimensionnés pour je ne sais quelle raison, du coup ils ont l’air trop allongés et maigrichons. Sans parler de la police d’écriture générique pour le titre de l’album et d’un logo KISS qui a l’air d’être posé là à la va-vite. Mais bon comme on dit, l’habit de fait pas le moine.
On ouvre les hostilités avec Hate chantée par Gene Simmons et le mot hostilité sied parfaitement à se titre. Le son est lourd et gras, un style qui sera présent sur la majorité de l’album d’ailleurs. C’est bruyant mais dans le bon sens du terme. La chanson de Simmons rappelle aisément Soundgarden, comme par exemple avec leur Rusty Cage, ce en particulier grâce à Eric Singer et son jeu de batterie.
Rain est à nouveau un parfait exemple du son très différent abordé par KISS sur cet album mais cette fois Paul Stanley prend les rennes. Autant le titre précédent rappelait Soundgarden, ici ce serait plutôt du Alice in Chains. Les guitares distordues et dans les graves du duo Stanley/Kulick n’ont rien à envier à Jerry Cantrell.
Et paf ! Master & Slave est une claque dans la gueule signée Paul Stanley, étonnamment en plus. Elle s’ouvre sur un excellent riff de guitare, on est vraiment loin du KISS à paillettes des années 80. Avec sa lourdeur et surtout sa ligne de basse lors des couplets, on pouvait croire que Gene allait la chanter. D’ailleurs lors des couplets il n’y a pas de guitare ni rien d’autre que cette basse omniprésente (bon à part la batterie et la voix de Paulo).
S’en suit une ballade épique de Gene Simmons, Childhood’s End, dont le titre est piqué à l’écrivain Arthur C. Clarke (le titre français étant Les Enfants d’Icare). Ou alors c’est piqué à Pink Floyd qui faisaient déjà référence à l’œuvre de l’auteur de l’Odyssée de l’Espace. Le titre est juste superbe, que ce soit la voix de Simmons, les chœurs des enfants qui viennent l’aider plus tard dans les refrains, la bonne ligne de basse. C’est d’ailleurs le fameux titre co-écrit par Tommy Thayer.
I Will Be There est la vraie ballade de l’album et bien entendu c’est Paul qui la chante. Ecrite pour son fils, il s’agit selon moi de la meilleure chanson de l’album. On a le droit à la totale acoustique ici, avec un superbe solo de Kulick qui est juste parfait, sans compter les quelques instrumentations classiques (violions et compagnie) et l’une des meilleures lignes de basse de l’histoire de KISS mais interprétée par Kulick. Mais c’est surtout Paul qui réalise un exploit, il chante majoritairement tout en retenue et surtout un peu plus bas que d’habitude, il ne pousse que sa voix en fin de chanson.
On enchaîne avec le seul single de l’album, Jungle chantée par Stanley. C’est à nouveau une chanson qui ressemble à Alice in Chains entre un Man in the Box et Them Bones, elle a même un côté Danzig avec son Wicked Pussycat (dans sa période plus que bancale). Une chanson franchement cool, puissante avec un groove de basse parfaitement maîtrisé par Kulick (et non Simmons). Et en plus on a le droit à un vrai refrain marquant et entêtant comme il le faut. C’est dommage parce que ce single n’aura pas eu le succès qu’il méritait.
In My Head est un titre étrange de Gene Simmons et co-signée par Jaimie St. James (quel nom à la con…et c’est même pas un pseudo). C’est très différent de tout ce que le groupe a pu faire depuis le début de leur carrière et ce encore aujourd’hui. Gene redevient le Démon de God of Thunder, il y apparaît comme un Diable déchaîné et prêt à lâcher sa colère sur le monde entier. Oui…bon…d’accord j’exagère un peu mais c’est le sentiment qui s’y dégage.
It Never Goes Away est chanté par Paul Stanley avec encore Bruce Kulick à la basse, il glandait à nouveau Simmons ou quoi ? Avec son riff de guitare lourd et gras on pourrait presque confondre KISS avec Black Sabbath pour une fois. Mais réellement ce titre rappelle, tout comme Hate, le groupe Soundgarden.
C’est moi ou Gene se prend pour John Lennon avec Seduction of the Innoncent ? En tout cas moi ça me fait complètement penser à une version Heavy et Tomorrow Never Knows. Il nous sert encore une fois un truc complètement différent ce qu’il nous a habitué !
Tant qu’à faire Gene reste pour I Confess. C’est à croire que cette chanson provient de The Elder avec son côté sombre et ses violons. Exactement le genre de chanson que j’apprécie de la part du Démon. Dans un sens elle me rappelle You’re my Temptation d’Alice Cooper, sortie un an avant le début des enregistrement de l’album de KISS.
C’est quasiment terminé avec In the Mirror de Paul Stanley. La chanson ressemble quelque peu à I Stole Your Love qui date de leur époque maquillage. Au final elle aurait parfaitement sa place sur un de leurs anciens albums, si elle était jouée par la formation originale. Honnêtement c’est le seul point faible de ces sessions finales, la chanson est loin d’être mauvaise mais ce n’est pas grandiose. Voilà encore un parfait exemple du fameux syndrome Paul Stanley, qu’on commence à connaître maintenant. Oh j’oubliais ! Devinez qui est à la basse ? Un indice ce n’est pas Simmons…encore…
Et c’est maintenant terminé mais il vous reste un de temps non ? Parce que c’est au tour de Bruce Kulick d’essayer de chanter sur sa propre ballade I Walk Alone, tout de même co-écrite par Simmons. Alors non ce n’est pas une reprise de Jean-Jacques Goldman…si j’avais cru que je parlerais de lui sur une critique de KISS… Comment dire, Bruce est loin d’avoir une voix puissante à la Stanley ni spécialement marquante comme celle de Simmons. Oui bon il chante mal quoi ! Mais comme pour Ace Frehley à son époque dans le groupe, ça a son charme. D’ailleurs depuis il s’est amélioré ! Et oui, c’est bien lui le bassiste sur cette chanson. C’est sa dernière chanson au sein du groupe, il l’a écrite lui-même alors autant qu’il en fasse le plus possible.
Mais voilà, toute bonne chose a une fin ! Carnival of Souls n’est pas un album parfait mais tout comme The Elder en son temps, il prouve que KISS n’est pas juste un groupe de types maquillés comme des clowns. En réalité son seul vrai défaut est qu’il est bien trop marqué par son époque, où des groupes tels que Alice in Chains ou encore Soundgarden étaient au top de leur popularité. Ce n’est d’ailleurs pas très surprenant de voir que l’album est produit par un certain Toby Wright, responsable des deux derniers albums d’Alice in Chains (à l’époque). Cette ambiance lourde et pas spécialement marrante est la bienvenue de la part du groupe, qui au moins tente de se renouveler. J’en ai pas parlé mais même les paroles ne sont pas spécialement joyeuses, entre suicide, religion et autre jeunesse perdue vous avez le choix. C’est assez étrange de voir KISS aborder des thèmes bien plus matures que des trucs genre : « j’ai une grosse zigounette, viens donc faire la fête ». C’est franchement l’un de mes albums préférés dans leur discographie, je le considère un peu comme The Elder numéro 2. C’est franchement dommage à cause de ses ventes désastreuses (même pas disque d’or), jamais le groupe n’interprétera de chansons de cet album.
Si jamais vous êtes l’une ou l’un des rares à apprécier cet album et surtout Bruce Kulick, je vous conseille franchement son album BK3. L’ambiance est certes plus légère mais certains titres rappellent ses derniers moments chez KISS. En particulier ceux avec Nick Simmons ainsi que celui avec son père Gene. D’ailleurs le jeune Nick n’a rien à envier à son père, j’oserais même dire qu’il a une meilleure voix (même s’ils se ressemblent vocalement et physiquement).