La griffe du maître
Oranssi Pazuzu, c'est une plongée toujours plus intense dans les ténèbres du mental, et une montée toujours plus folle dans l’intuition créatrice. Voilà ce qui pourrait définir la trajectoire des...
le 13 mai 2020
12 j'aime
1
Des glaces épaisses de Keski-Suomi jaillissent des rythmes fracturés, hybridomes crépus venus de l'estomac terrestre. Dans une transe répétitive, ils communiquent avec leurs frères étrangers, et leurs mélodies semblent émaner d'un songe.
En un duo épais comme une palanquée de crieurs tribaux, Nyos dégaine son quatrième album depuis sa formation en 2014. Célébrant un math-rock cérébral, chatoyant et paré des grandeurs du post rock, la musique de Nyos s'ancre dans un futur maculé d'impressions puissantes et fugaces, régit par une technique hors pair mise au service d'un feeling imparable.
De l'ombre à la lumière, Celebration est une ode à la vie fluidifiée, mystérieuse et gorgée de fantasmes de ce XXIème siècle naissant. Tantôt impulsive et explosive, souvent retenue et lumineuse, la musique de Celebration nous guide vers une évasion subtile, progressive et céleste. Difficile de croire qu'une seule guitare enlace la batterie incroyablement groovy et sensorielle de Tuomas Kainulainen, tant la musique de Nyos a toujours été marquée par sa densité sonore. Toutefois la touffeur traditionnelle du groupe s'efface un peu au profit de rythmiques plus nettes et épurées, toujours splendides mais davantage portées sur la rêverie stellaire que sur la distorsion épique d'hier.
Celebration est l'album de l'optimisme décomplexé, comme sur l'angulaire et lumineux Light ou sur le très stoïque Tucano. Nyos renoue avec ses racines terrestres les plus simples dansantes, revendiquant nettement ses influences comme la musique africaine (Rosario) ou le jazz (First Take). Celebration s'écoute comme un rêve, plus doux et moins technique qu'auparavant, mais dont la saveur reste incomparable.
Rafraîchissant, c'est pourtant quand il demeure le plus ténébreux que Nyos brille de mille flammes : des fureurs latentes du minimaliste Gold Vulcan à la claque finale d'inspi krautrock Surface, Nyos reprend le flambeau de l'instrumentation grandiose. On lui oublie même Something Good, qui peut être (et paradoxalement) le plus anecdotique des morceaux de leur carrière.
Avec Celebration, le tandem finlandais semble s'être fait plaisir en épurant un peu ses tourments et en distillant ses fureurs dans une musique toujours très ingénieuse, mais plus accessible et candide. Un mal pour un bien, une belle parenthèse en tout cas en ces temps moroses et permettra certainement au duo de distiller son plus sombre miellat pour les années à venir.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Hégire des Harmonies Hermétiques - 2022 en musique
Créée
le 2 mai 2022
Critique lue 5 fois
1 j'aime
Du même critique
Oranssi Pazuzu, c'est une plongée toujours plus intense dans les ténèbres du mental, et une montée toujours plus folle dans l’intuition créatrice. Voilà ce qui pourrait définir la trajectoire des...
le 13 mai 2020
12 j'aime
1
La lente désagrégation des génies du rock alternatif, volume 4. La bande de Bellamy pique cette fois-ci sa crise de la quarantaine, elle ressort ses vieilles cassettes de Nu Wave, ses jeux-vidéos...
le 10 nov. 2018
11 j'aime
3
La forêt a été éventrée par des tentacules de plastiques et des écailles de béton. Les souches centenaires s'effritent sous les chenilles d'acier des monstres constructeurs. L'air se fait de plus en...
le 18 mai 2021
10 j'aime
4