La lente désagrégation des génies du rock alternatif, volume 4. La bande de Bellamy pique cette fois-ci sa crise de la quarantaine, elle ressort ses vieilles cassettes de Nu Wave, ses jeux-vidéos arcades et ses vieilles perles de l'Hollywood Sci-Fi-Horrifique des eighties.
De cette tambouille super-colorée et consciencieusement ringarde, que retenir ? Pas grand chose de très consistant hélas, et même si l'aspect parodique de ce concept-project est pleinement assumé, force est de constater que la qualité est inconstante. Le trio nous recycle certes quelques -unes de ses lignes mélodiques Queen-esques (Something Human et Dig Down), qu'il distille déjà depuis Resistance ... Mais ce qui gêne foncièrement dans "Simulation Theory", c'est la facilité outrancière des compositions. Les morceaux sont courts et tous hyper calibrés pour la radio et le grand public. Adieux donc les expérimentations salutaires des premiers albums, ou même une simple sincérité d'écriture, et une recherche sonore plus poussée que le "tube bien fun". Muse joue définitivement dans le commercial le plus pétillant et le plus outrancier. Il en fait des tonnes pour sonner "épique", mais ô manque de bol, l'efficacité s'émiette sans-cesse car la supercherie est devenue trop grosse, trop grasse, trop juteuse.
Dans cette parade des monstres, l'on retrouve des choses fades et inoffensives (Propaganda avec son gros beat pop-RnB et sa guitare blues - oui, oui- ou Dig Down et ses influences gospel un peu écœurantes), des trucs carrément immondes aussi (Something Human et sa pauvreté interstellaire que même Bob Sinclar aurait refusé d'assumer ou, clou du spectacle, l'ignominie Get Up and Fight avec sa vibe de collégiens mécheux façon One Direction).
Heureusement, le cookie n'est pas dépourvue de sympathiques morceaux, comme le délirant Pressure, le troublant Break It To Me (et son break presque à la Korn) ou Thought Contagion et son refrain ultra-fédérateur (et bien senti là, oui !). Les deux morceaux explicitement "synthwave", qui font directement honneur à l'horrible pochette qui parait être réalisée par un fan endimanché de George Lucas, sont quant à eux inégaux : tandis qu' Algorithm ouvre le voyage avec une belle prestance, The Void le ferme avec un élan lyrique trop étouffé.
Les seuls instants de grâce, c'est au final lorsque Muse "joue du Muse", même à sa sauce snthpop-chépakoi, mais qu'il continue d'exploiter sa fibre dramatique et lancinante, grondante et presque neo-classique, épique mais réfléchie - en l'occurrence ici sur The Dark Side, très belle synthèse d'une évolution sonore sonore insidieuse, et sur ce Blockades très rock et salvateur qui aurait parfaitement pu trôner dans un Black Holes and Revelation.
Sans parler de bouse cosmique, ce "Simulation Theory" est peut-être l'expérimentation commerciale de trop pour Muse. La sauce prenait bien sur le sympho-pop Resistance, encore mieux peut-être sur le dub-stepien The 2nd Law, et plutôt pas mal sur le sombre Drones. Sur chacun de ces disques, l'on y trouvait à boire et à manger, et même si l'on était trèèèès loin de leur monumental Origin Of Symmetry, la fraîcheur mélodique, les idées neuves et l'agencement des compos nous laissait souvent dodeliner de la tête et apprécier la mutation en cours. Ici, les cellules ont fini par nécroser dans le cynisme grinçant de ces dieux du stade un peu désabusés (ou en tout cas clairement dépassés par leur mégalomanie). On sent pourtant bien que Muse prend un plaisir presque niais de geek à partir en roue libre, et ce serait mentir de prétendre que l'on ne s'amuse pas parfois avec eux, mais la plupart du temps ils s'astiquent les pads sur des hymnes très vite envoyés, et ça c'est naze, et même un peu triste aussi quand on voit le talent des bonhommes.
Au final, Simulation Theory fait l'effet d'un éclair au chocolat surgelé : au début, c'est honnête voire savoureux, mais rapidement on sent l'arnaque insipide et bourrative. Burps !