L'illustration de l'Opéra sauvage
Si il y a quelque chose qui est reconnu au sein des films de Sergio Leone, c'est le déploiement d'un fond sonore absolument magistral, qui n'appuie pas seulement ses oeuvres, mais fait partie intégrante de la mise en scène. Un jour, ce maître de la caméra déclarait:
"Pour moi, le véritable dialogue d'un film, c'est la musique... Dès lors, Ennio Morricone est mon meilleur scénariste!"
Leone est un réalisateur qui avait absolument tout compris au cinéma. Et effectivement, ses films sont indissociables de la musique de Ennio Morricone. En 1964, la sortie de Pour une poignée de dollars est une véritable révolution qui explose tout les codes du western. Mais de plus, le film sera également un symbole de l'utilisation plus fine de la musique à travers le monde du cinéma.
Pour toute la célèbre trilogie du Dollar, Morricone va utiliser des sons qui fait appel de façon conséquente à l'imaginaire des gens sur le Far West: Des sifflements, des bruits d'animaux, des hurlements, et autres airs atypiques, au sein d'un orchestre dynamique qui s'adapte parfaitement aux images que le spectateur voit à l'écran. Si une telle symbiose était possible, c'est bien parce que Ennio Morricone composait, bien avant le film, à travers des idées ("espaces sauvages", "poussière"...) que lui donnait son ancien camarade de classe. Les scènes sont imaginées ensuite à partir de cette musique.
Au vu du succès des westerns de Sergio Leone, de nombreux réalisateurs italiens du genre ont pu travailler ensuite avec lui. Toutefois, si la musique était toujours aussi grandiose, aucun de ces cinéastes n'avaient le talent de maîtrise cinématographique de Leone. Il était une fois dans l'Ouest constitue son apogée dans le genre du western. Ce film, tout le long de ses trois heures, va étayer une puissance comme on en a jamais vu dans le genre...
Pourtant, le film se caractérise par une mise en scène qui prend beaucoup plus son temps, en comparaison à la précédente trilogie, pour justement se prêter à la composition musicale. Cela se voit dès la longue introduction du film, ou on peut ressentir la patte du compositeur: Les sons amplifiés pendant ces 11 minutes resteront bien plus dans les mémoires que bien nombre de compositions sonores. Et pour cause: Elles ont su directement toucher le spectateur grâce au fait que ces sons sont si caractéristiques de l'imaginaire collectif sur le Far West.
Des gouttes d'eau. Un moulin. Le vent. Une porte qui grince. Un télégraphe. Une mouche volante qui se fait remarquer au milieu d'un vaste espace... Ces bruits "sauvages" se font entendre avant d'être éclipsés par l'arrivée d'une forme de civilisation (le train). Une nouvelle utilisation du son va s'illustrer dès lors, avec les premières notes musicales du Maestro. Un étranger descend du train. Et comme pour montrer l'appui du film sur un univers musical, cet homme a un instrument qui va se retrouver, sans que les spectateurs s'en aperçoivent forcément, être un objet phare du film...
On le surnomme "L'Harmonica", comme si cet homme n'en était qu'une allégorie. Tout le long du film va être rythmé par cette simple petite mélodie, souvent prolongée magistralement par une composition sonore qui se dévoile tout le long du film.
En premier lieu, le personnage de Frank, interprété par un Henry Fonda au sommet de sa carrière, se dévoile à travers un nuage de poussière, mais avant-tout à travers l'utilisation d'une guitare électrique, aux notes parfaitement amplifiées et calibrées pour son personnage. L'arrivée par la suite de Jill, qui sublime Claudia Cardinale, se fait à travers une partition une nouvelle fois exceptionnelle, interprétée par la soprano Edda Dell'Orso (qui s'était déjà fait remarquer à travers le morceau "Estasi del Oro" dans Le Bon, la Brute et le Truand).
La façon dont Sergio Leone dévoile la gare puis la ville est fantastique. Mais le chant de Dell'Orso sur le plan le plus splendide de Monument Valley qu'il ait été donné de voir au cinéma donne définitivement l'idée d'être dans un "Western Opéra".
En réalité, chaque personnage trouve vie dans chacun de leurs thèmes, issu de l'imaginaire qu'on se fait du Far West. Le Cheyenne, un petit truand accusé à tort, se voit affublé d'un air de banjo vraiment évocateur. Le personnage de Morton, âgé et usé, est représenté par un air beaucoup plus calme, synthétique.
Ainsi, du début à la fin, toute l'oeuvre est sublimée sans cesse, du fait d'une utilisation du son qui va faire ressentir au spectateur toujours plus de frissons, de façon constante. Le duel final démontre toute la force de cette montée en puissance. Celui opposant Clint Eastwood à Lee Van Cleef et Eli Wallach était déjà sublime. Ce coup ci, on égale au moins la performance, au mieux on la surpasse, notamment avec ce flashback ou tout le génie de Leone et Morricone est montré à nouveau. Et même après le duel final, le spectateur continue à vibrer encore, avec Edda Dell'Orso qui conclut cet opéra sauvage...
Voici ce qui peut en faire très certainement le meilleur western de tout les temps. Mais le meilleur film de Leone? Cela reste à voir selon les sensibilités de chacun, car pour ma part, Il était une fois en Amérique est encore plus remarquable, en particulier dans son utilisation de la musique...
Il était une fois dans l'Ouest, réalisé par Sergio Leone, et Ennio Morricone. On l'a déjà dit, mais je suis également sur que ce compositeur a sans problème sa place à côté des plus grands du classique, et qu'on s'en souviendra pendant très longtemps. Le style n'aura pas laissé les autres grands réalisateurs indifférents. Kubrick a grandement utilisé la musique pour créer Barry Lyndon, et comme chez Sergio Leone, elle était jouée sur le plateau de tournage, pour que les acteurs s'en imprègnent...
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