Classique.

Je me dois d'être franc avec vous. Bien que je sois un amoureux inconditionnel de la musique de Franck Ocean, c'est avec "Channel Orange" que je l'ai découvert.
Bien-sûr, après avoir consommé plus que de raison ce chef-d'œuvre, j'ai pris le temps d'écouter "NOSTALGIA, Ultra", son 1er projet, auto-produit.
Et bien évidemment, la suite de sa carrière m'a volé de nombreuses soirées à plonger dans "Blonde", le casque dans mes oreilles, la tête sur mes coussins, allongé sur mon canapé, en pleine lévitation.

Déjà, Channel Orange montre clairement qu'Ocean est aussi libre en tant qu'artiste qu'en tant qu'homme. Ocean a la narration descriptive et subtile des plus grands. Il est de ces artistes qui portent ses chansons à un tel niveau qu'elles bouleversent presque systématiquement.
Son écriture sait esquisser une scène avec économie et aplomb, puis s'illustrer avec des détails indélébiles.
Le passage d'Ocean avec le collectif Odd Future, qui abrite plusieurs rappeurs controversés mais verbalement adroits, aura taillé son crayon. Mais il est clairement un conteur naturel et un observateur passionné de toute façon.
Channel orange est stupéfiant car il contient les pensées et les émotions les plus profondes de Frank. Le chagrin, l'amour non partagé, la douleur, sont facilement ressentis dans Bad Religion, Pink Matter, Forrest Gump. Frank est au-delà du talent quand il s'agit d'écrire des chansons, car une fois que vous écoutez, vous vous sentez là, devant lui. La façon dont il raconte ses histoires vous permet de vous connecter avec lui, ce que très peu d'artistes peuvent faire.
Cependant, même si la douleur qu'il ressent dans ces chansons est puissante, l'ambiance n'est pas toujours la même tout au long de l'album.
Il a également des chansons comme Super Rich Kids dans lesquelles lui et son collègue Earl Sweatshirt chantent sur ces enfants qui ont tout. Puis, il y a aussi Crack Rock, son grand-père était accro au crack, qui montre plus de complexité que les intérêts amoureux d'Ocean.

L'album a des interludes entre presque toutes les chansons. Grâce à celles-ci, nous pouvons nous déconnecter pendant une seconde et prêter attention aux conversations qui se déroulent à la télévision qui finissent par être pertinentes à l'album. Cette façon dont la plupart des chansons se terminent permet à l'album de jouer en douceur, sans jamais ressentir le besoin de changer de piste. En définitif, voilà un procédé parfait de connexion ramenant l'essence de profiter d'un album dans son ensemble au premier plan.

Alors oui, on pourrait écrire longtemps sur chaque titre. Les nombreuses histoire et messages se trouvant dans Channel Orange mériteraient les plus belles plûmes. Mais finalement, à quoi bon? Cette œuvre parle d'elle même et n'a pas vraiment besoin d'explications. Channel Orange se ressent.

Qu'il soit sarcastique ou vulnérable, qu'il s'ouvre sans tabou ou qu'il dénonce avec des paroles déchirantes parfois, Franck Ocean, grâce à son écriture et sa musique, parle de l'humanité en nous tous.
Alors, me revient en mémoire, cette lettre (découverte tardivement) qu'il avait rédigé sur son Tumblr quelques semaines avant la sortie de Channel Orange, racontant son premier amour, une liaison émotionnelle à sens unique avec un ami hétéro incapable de rendre la pareille et qui commencer par : "Qui que vous soyez, où que vous soyez… Je commence à penser que nous nous ressemblons"
Oui, si CHANNEL ORANGE me touche autant, c'est parce que c'est un album qui me ressemble, qui nous ressemble aussi peut-être...