Dans l'industrie musicale il existe quelque chose que je vais nommer la malédiction du 2e album et qui intervient lorsque le premier album d'un groupe/artiste connaît un certain succès commercial ou critique. Les musiciens sont alors confrontés à un dilemme fâcheux :
- Soit refaire la même chose, au risque d'être perçu comme manquant d'originalité (c'est le cas de King Crimson et de sa copie In the Wake of Poseidon)
- Soit faire quelque chose de totalement différent, au risque de dérouter sa fanbase (c'est le cas de Archive et de son très électro Take My Head qui laissait place au trip-hop Londinium)
Et MGMT se classe sans doute dans la deuxième catégorie. Alors que Oracular Spectacular fut un succès critique et surtout commercial, le duo est alors perçu comme un groupe à tubes, qui laisse paraître une joie de vivre, illustrée par les mélodies accrocheuses pour faire la fête tout l'été. En réalité, Time to Pretend et Kids sont de cette veine, mais le reste de l'album ne suit pas. Si les autres morceaux veulent intégrer cette même ambiance psychédélique, ils sont ceci dit moins mémorables que les illustres tubes (au poins d'incarner une certaine jeunesse des années 2000).
Mais le groupe cherche à tout prix à s'éloigner de la vision qu'on leur donne, car on le sait tous, succès commercial = vendu de l'industrie musicale. Alors MGMT pendant ce temps travaille à faire quelque chose de différent. Le groupe se met à bosser dans le plus grand des secrets, ce qui intrigue davantage sur un album déjà attendu.
Déjà, histoire de casser avec leur image de commercial, aucun single de sort. Il faut dire qu'aucune piste n'est adéquate à ce format, si ce n'est la conclusion éponyme de l'album : Congratulations. En s'y penchant davantage, on constate que les mélodies sont moins harmonieuses, moins évidentes. Mais la grosse différence de l'album se fait a niveau des instruments : les synthés sont mis en retrait, et laissent plus de place à la guitare acoustique et la batterie pleine de réverb. Le ton de l'album se veut plus simple, plus intimiste. Mais aussi plus psychédélique, plus frais. Et adopte aussi parfois des constructions plus complexes : à l'instar de ce Brian Eno infernal qui laisse place à un pont minimaliste, ou bien évidemment Siberian Breaks, un délicieux pot-pourri de doux sons psyché, calme et planant
On pourrait classer les chansons de l'album en deux catégories :
On dirait que je me suis pas foulé pour ces catégories, mais vous verrez que les pistes sont très proches. Cela prouverait-il un manque d'originalité ? Assurément non. C'est la même ambiance, mais les mélodies se perçoivent facilement (pas forcément à la première écoute ceci dit).
Quant aux paroles, elles restent dans la lignée de son prédécesseur le soi-disant festif, plutôt pessimiste.
En conclusion, Congratulations à l'inverse d'Oracular Spectacular difficile à atteindre dès sa première écoute. Il donne l'impression d'un album pauvre. Mais à force de réécoute, il laissera paraître une musique aérienne, reposante, abstraite, parfois angoissante (Lady Dada's Nightmare) et qui laisse parfois quelques rapides morceaux d'une folie passagères (Brian Eno), mais sans mélodie pour les accompagner. L'oeuvre -comme le revendique Andrew VanWyngarden- est à écouter dans son ensemble, car même si Congratulations laisse la seconde impression d'une ambiance travaillée et maîtrisée tout le long, on ne pourra pas s'empêcher de constater certaines perles de se détacher du lot. Pour ma part, c'est Siberian Breaks (ma partie préférée est à 6'02, et vous ?)
Comme prévu, l'album ne sera qu'une semi-réussite à sa sortie. Il faut dire que son utilisation est toute autre : si Oracular Spectacular était faite pour s’imbiber d'alcool à plusieurs sous les chaleurs estivales, Congratulations est plutôt fait pour bédave en solo chez soi.