Le CNN des favelas
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Vu de France, le Brésil et le Japon sont situés aux deux confins du monde, justement surnommés Extrême-Orient et… Extrême-Occident (l’expression est d’Alain Rouquié). Chacun avec leur imaginaire propre, ils ne cessent de nous fasciner. Mais nous n’avons pas le monopole de la curiosité ni du rêve. Les Japonais sont aussi friands de musique brésilienne, et en retour, les Brésiliens ne sont pas insensibles à la culture japonaise. En témoigne le dernier album de Rodrigo Campos,
Conversas com Toshiro, c’est son nom, se présente comme une plongée dans le Japon. Rodrigo Campos prend à nouveau son inspiration dans des lieux et plus particulièrement dans les personnes qui les habitent. Son premier disque s’intitulait São Mateus Não é Um Lugar Assim Tão Longe (São Mateus n’est pas un lieu si loin d’ici) et évoquait les souvenirs de la ville de la banlieue de São Paulo où il a grandi. Sur son second disque Bahia Fantástica, la ville côtière d’Itapoã, chargée des fantômes de Dorival Caymmi et Vinicius de Moraes, et terre des cultes du candomblé, lui servait de décors pour une méditation sur la mort.
Avec Conversas com Toshiro, Rodrigo Campos, poursuit son voyage bien au-delà du Brésil. Il reste pourtant dans la parfaite continuité de l’univers musical qu’il développe depuis son premier album. On ne sent ainsi guère l’influence de son groupe Passo Torto. On retrouve néanmoins au casting du disque, nombre de musiciens de ce dernier ou qui gravitent autour (Kiko Dinucci à la guitare, Marcelo Cabral à la basse, et de manière plus discrète Juçara Marçal et Ná Ozzetti aux chœurs, et Thiago França au saxophone…). D’autres musiciens de talent leurs prêtent main forte dont Curumin à la batterie, musicien brésilien d’origine japonaise et auteur d’une jolie discographie.
Tous ces musiciens se retrouvent au service de l’esthétique très personnelle de Rodrigo Campos. Les années passant, il n’abandonne toujours pas complètement la samba, genre avec lequel il a appris le cavaquinho et est devenu le musicien qu’il est. Mais il la fait sienne, l’enveloppant d’arrangement flamboyant, n’hésitant pas à puiser dans d’autres styles, en particulier la soul. Il ne faut pas s’attendre à une fusion brésilo-japonaise où il ferait résonner shamisen et cavaquinho. Rodrigo Campos sait mieux que nul autre, qu’aussi loin qu’on aille, la véritable exploration est en soi-même.
Ainsi, si la communauté japonaise de São Paulo, métropole dont est originaire Rodrigo Campos, est la plus importante du monde, si Rodrigo Campos a pu visiter l’île nippone lors d’une tournée, le pays qui l’intéresse est tout autre. C’est celui fantasmatique, du cinéphile un peu geek, de l’amateur de manga, et à travers eux, son Japon intérieur. Ni souvenir, ni méditation, sa rêverie japonisante est du côté du songe ; un songe chargé de poésie, comme celle des films d’Ozu ou de Miyazaki qui lui inspirent deux chansons, mais aussi de fulgurances violentes et sexuelles à l’image des films Kitano ou des mangas déviants de Suehiro Maruo. Rodrigo Campos a dit que le Japon était pour lui comme un costume de samouraï : ce qui l’intéresse ce n’est pas tant le costume que ce qu’il provoque en lui.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Amor e dor : Les meilleurs albums de musique brésilienne
Créée
le 6 janv. 2024
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