Tous les matins dès 10h au Royaume-Uni, Woman’s Hour est un show très apprécié sur BBC Radio 4. En témoigne son espérance de vie : s’il a jonglé entre les radios, les présentateurs et les horaires, il est toujours là depuis son lancement en 1948. La présentatrice Jenni Murray anime ainsi aujourd’hui un programme qui propose « a female perspective on the world » peut-on lire sur le site web de l’émission. Au menu : des reportages, des interviews et des débats sur la santé, l’enseignement, mais aussi des sujets culturels et politiques qui visent « les femmes et les mères ».
Ce rendez-vous matinal inspire de nombreux britanniques mais sûrement personne autant que la chanteuse Fiona Burgess, son frère William et leurs deux acolytes Nicolas Graves et Josh Hunnisett. Originaires de Kendal, où ont déjà éclos les Wild Beasts, le quatuor s’est approprié le nom de l’émission de radio, et même celui de la présentatrice “Jenni”, pour son premier single sorti en 2011.
C’est pourtant un tout autre show que le groupe Woman’s Hour s’attache à réaliser, avec ses douces mélodies pop où des riffs de guitares smoothies empruntés aux XX répondent à des synthés rêveurs. Fiona Burgess a ainsi toutes les cartes en main pour nous bercer avec ses caresses vocales car, grâce à tous ces éléments au complet, une parfaite alchimie opère : « Conversations » est un album dream-pop de onze pistes planantes qui a l’effet d’un remède apaisant pour toutes sortes de maux.
Woman’s Hour s’appuie essentiellement sur des synthés, mais toujours avec délicatesse, car ils ne persistent et dominent finalement que le temps d’ « Unbroken Sequence » et « The Day That Needs Defending », beaux instants synthpop de l’album.
À l’opposé, « Two Sides Of You » et « Our Love Has No Rhythm » sont deux balades électroniques qui résonnent comme du Beach House, avec leur tempo lent, où Fiona Burgess s’essaye à un registre plus soul. L’instrumentalisation réduite au strict minimum offre un moment de pur apaisement et permet de flotter au cœur de cet océan d’émotions. Au risque d’être trop plat, peut-être. Mais finalement, l’authenticité de la démarche ne laisse pas vraiment de place à un quelconque sentiment de morosité.
Planant et relaxant aux premiers abords, l’album joue même très bien avec des rythmes plus catchy, en s’agitant avec de doux éclats de guitare et quelques bonnes piques de synthés saccadées moins aseptisées (« Conversations », « Devotion »).
Le moment le plus fort de l’album survient sûrement avec « In Stillness We Remain », dernier single au refrain dansant qui ne laisse présager que du bon sur scène. Juste avant, dans « Darkest Place », c’est la batterie qui se fait plus remuante, avec même une orientation shoegaze par séquences et des bruissements de chœurs aériens saisissants.
« To The End » fait mouche avec la ligne de basse plus insistante de Nicolas Graves, puis plus loin « Reflections » libère les claviers baroques de Josh Hunnisett sur un air romantique qui rappelle agréablement le duo Rhye. Enfin, le single phare du groupe, « Her Ghost » est sûrement celui qui l’a révélé en tant que digne successeur des XX, mais surtout dégage toute la sérénité vocale qui fait la force de l’album.
Trois ans ont été nécessaires entre la sortie de leur premier son et cet album, mais Woman’s Hour n’est pas trop perfectionniste pour autant. Le disque ne sonne pas comme le résultat d’un long travail minutieux, réglé au détail près, mais bien plus dans l’instinct, à l’image d’une vocaliste qui ne tient pas forcément toutes ses notes et qui semble chanter à chaque fois comme si c’était la première. C’est une force, car si cette fragilité vocale est réelle, l’émotion transmise n’en transparaît pas moins.
Le quatuor livre donc son premier projet tout en finesse et avec beaucoup de sensibilité, de par ses arrangements minimalistes et un travail vocal de qualité. Son univers s’appuie également sur un souci du détail soutenu au niveau des visuels, qui joue essentiellement sur des nuances de gris, à l’image de ses nombreux clips et diverses pochettes de singles. L’ambiance générale créée est froide mais émouvante, toujours au service d’une pop mélodique et rêveuse très accessible pour toutes les oreilles. C’est pourquoi « Conversations » est un voyage étonnamment facile à réaliser, tant on se laisse emporter, du moins émotionnellement.
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