De ses débuts prometteurs sur True Romance et Sucker, restreint par des productions datées et une image formatée se trouvait déjà des pépites à succès (You (Ha Ha Ha), Break The Rules, Boom Clap). Sa mutation totale concrétisé par sa rencontre avec l’hyperpop, sous-genre ayant pris de l’ampleur dans la décennie précédente en accentuant les caractéristiques de la pop mainstream, l’amène sur des terrains avant-garde voir expérimentales.
Dédicacé sur cet album après sa disparition en 2021, la productrice SOPHIE source de bouleversement dans la musique de Charli (notamment sur le sublime EP Vroom Vroom) et son comparse de longue date AG Cook, on été source de ce séisme sonore et esthétique. Puisant au plus profond de ses sentiments, elle nous a offert une musique explosive et sans contrainte avec des projets novateurs comme Pop 2 ou Charli. Son dernier album How I’m Feeling Now, sorti pendant le premier confinement est une preuve de cette dévotion artistique dans son projet le plus intime et expérimental à ce jour.
Deux ans plus tard, Charli XCX revient et nous prend à revers avec Good Ones, premier single de 2 minutes qui s’écoute à l’infini (comme l’indique le titre d’une des chansons de l’album …). Le ton est donné pour un son accessible qui pourrait la faire accéder à une plus grande popularité sans trahir la patte artistique qu’elle a développée depuis.
A l’image de sa cover brutale et sensuelle ainsi que son titre rappelant le chef-d’œuvre, Crash, de David Cronenberg. Charli allie l’attirance des mélodies pour évoquer des sujets plus sombres que les sonorités mises en place. Le morceau titre met de l’avant cet aspect autodestructeur dans une rythmique représentant le chaos de ce "crash" émotionnel.
Tantôt intimiste, tantôt triomphal, le projet se poursuit sur New Shapes. En constante évolution par les featurings qui parsème le titre, Caroline Polachek et Christine and the Queens (déjà présentes sur d’anciens morceaux de l’artiste) viennent soutenir un titre plutôt conventionnel tout en étant un hymne émancipateur par son refrain : « I ain’t got it ». Le morceau vient d’ailleurs affirmer la dichotomie des actions et émotions de Charli dans ses relations, confirmé ensuite par Good Ones :
And baby, you couldn’t have loved me any better. But doin’ this is all that I’ve known ever. I want the bad ones ’cause they’re all I know. I always let the good ones go.
Cette thématique est au cœur de l’album, dans Constant Repeat, Charli forme le récit fictif d’une histoire d’amour ou elle se caractérise elle-même comme une bad girl. L’amour se présente sous une forme inattendue, la possibilité d’une histoire plutôt que sa concrétisation est ce qui rend le tragique de ce morceau puissant, préférant une mélodie mélancolique à une surenchère d’effets.
La collaboration avec Rina Sawayama, pas assez présente sur le morceau, n’empêche pas de continuer la logique de l’album où elle se retrouve à prendre en considération ses actes sur une instrumentalisation qui prend de l’ampleur à chaque apparition des chanteuses.
L’envoûtant Move Me poursuit ses regrets autodestructeurs (« I got a habit for destruction ») puis par un enchainement schizophrène avec Baby, réponse tapageuse au précédent morceau dans son versant bad girl prenant le dessus en ne se souciant pas du mal qu’elle provoque. Le pont révéle la noirceur derrière l’apparat glamour :
You know I’ll break your heart. Tear it into tiny pieces. One more fallen star. I’ll shut you away, but you wanna stay. I just wanna say. Baby.
A la manière de The Weeknd, la jovialité musicale cache toujours une part de mal-être développé par des titres plus lancinants. Cette disjonction se retrouve dans l’instrumentalisation de Lightning, se rapprochant de ses titres mélos expérimentaux pour s’aventurer dans l’esthétique revival 80’s que l’on retrouve régulièrement aujourd’hui (chez Dua Lipa par exemple). Les paroles justifient ce changement et apportent un nouvel aspect sonore.
Loin d’être désagréable mais plutôt oubliable, Every Rule répète l’aspect mélo que l’on retrouve dans Move Me sans la force vocale. Tandis que Yuck est une réitération du motif de la méchante fille contradictoire de Baby qui finit légèrement par lasser. Mais Charli se laisse enfin aller sur Used to Know Me, morceau à l’esthétique euro pop à l’aspect émancipateur que l’on aime tant dans sa musique.
Ici, Charli se libère de ses démons émotionnels pour enfin leur faire face dans la conclusion de l’album, Twice. A double tranchant, cette fin semble être un credo de vie – arrêter de penser et agir dans une attitude positive – qui, compte tenu du titre de l’album, est tout autant le signe d’un « crash » à venir.
Certes, Crash n’est pas l’album définitif de la diva pop mais n’est surement pas à oublier dans son catalogue. En prenant un chemin emprunté par d’autres artistes contemporains (celui de la pop 80’s), Charli s’amuse davantage à mélanger les styles et époques en passant de sonorité à la Madonna ou Britney Spears jusqu’à l’euro pop ou l’avant-pop.
Magicienne des émotions, ses thématiques habituelles sont présentes dans un tourbillon d’influences davantage grand publics (les excès d’How i’m feeling now sont rares) justifiés par un projet bien plus centré sur un plaisir évanescent qu’une expérience cathartique radicale.
Les fans de Charli ne seront donc pas déçus malgré quelques moments creux, l’album tenant par sa consistance thématique et musicale. Sans réinventer la formule, la passion musicale et émotionnelle ressenti sur Crash en fait certainement un album dynamique et plaisant.
Article à retrouver sur Pozzo Live