Pas si fou
Autant j'ai du mal avec le Aerosmith version édulcoré, autant je n'ai pas ce soucis avec Kiss. Car ce groupe pour moi est un caméléon qui avait de toute façon dès le départ un côté bubble-gum dans sa...
Par
le 25 août 2023
3 j'aime
1
Crazy Nights est à mon sens un excellent exemple d’album à 5/10, globalement pas terrible mais intéressant, souvent décrié pour ce qui me semble être de mauvaises raisons. Crazy Nights est souvent présenté comme l’album de la compromission, le moment ou Kiss abandonne le Hard Rock et le Heavy Glam pour la Pop et l’AOR, influencé par Def Lep’, Whitesnake et Bon Jovi. Un album de suiveurs en somme, qui plus est par un groupe qui a été fer de lance. Et c’est quelque chose qu’il est difficile de contester, assurément, mais c’est aussi assez réducteur, car Kiss, en essayant de se renouveler, tente différentes choses, et parfois fait mouche.
Alors il est vrai que l’album s’ouvre sur le single Crazy Crazy Nights, médiocre à souhait. Un riff ultra-basique comme Kiss en a déjà pondu des tonnes, mais la patate en moins. La guitare a perdu toute agressivité et laisse souvent sa place aux claviers, terriblement 80s et un peu cheap. Le refrain est répété ad nauseam avec l’occasionnelle modulation à la tierce qui peine à casser une monotonie qui s’installe déjà au bout de 3 minutes. Les paroles, qui n’ont jamais été le point de fort de Kiss, sonnent ici particulièrement fausses et s’axent fortement autour du fan-service. On a droit à un mix un peu ridicule de « vous inquiétez pas on est toujours là » et « vous êtes les meilleurs fans du monde », quelque part entre le You Won’t Change Me de Black Sab et Army of the Immortals de Manowar. Quand on se rappelle de King of the Mountain qui ouvrait l’album précédent, celui-ci souffre clairement de la comparaison… et sans être honteuse non plus, on tient là une des pires entames de Kiss… toutes périodes confondues. Tout ça pour dire que le disque commence mal et que je pense que cette première impression le dessert fortement. D’autant plus que l’ambiance change assez radicalement sur le deuxième titre.
Cette rupture de ton est assez caractéristique de l’album, qui est finalement très hétérogène. J’ai presque l’impression que le groupe a décidé d’alterner entre certains titres typiquement dans le style du Kiss de l’époque, sur les pistes impaires, et tentatives de renouvellement sur les pistes paires. Et le premier exemple de ces « expérimentations » est un I’ll Fight to Hold You que je trouve très réussi, probablement ce que je préfère sur cet album. Peut-être pour compenser le manque de guitare sur le morceau précédent on a le droit à trois solos sur celui-ci, je trouve les deux qui servent d’intro et d’outro assez bons, mais je trouve le troisième un peu quelconque. Ce qui me plait ici c’est surtout l’emphase portée par ce pré-refrain syncopé qui amène à ce délicieux chorus Hard FM. J’aime bien ce côté cul entre deux chaises : on a trois solos mais les riffs sont en retrait, ça popise sur le refrain mais on joue en La bémol mineur, ce qui colore le morceau d’une tonalité pas hyper commune dans le style.
Dans le genre bonne surprise on a aussi No No No, en 4e position. A nouveau le morceau s’ouvre sur une guitare qui déboule, très vite rejoint par une batterie « Overkill » en soutien (1). C’est de loin le morceau le plus agressif de l’album, et aussi celui ou Bruce Kulick s’exprime le plus. Le couplet tient sur un riff assez groovy et une basse très en avant, puis enchaine sur un pré-refrain à base de natural harmonics et un refrain énervé. Kulick va ensuite rajouter plusieurs leaks par-ci par-là pour arranger le tout. Et on complète avec deux autres solos, un au milieu, plutôt bordélique mais sympa, et un autre qui sert d’outro. Beaucoup de gens citent Van Halen, et je suis d’accord qu’il y a un peu de ça, mais je ne suis pas complètement convaincu non plus. A cette époque Van Halen c’est surtout Why Can’t This Be Love ou Jump, plus vraiment Eruption. Et le morceau est trop agressif, trop méchant, pas assez festif pour du Van Halen (2), je mentionnerais plutôt l’écurie Shrapnel Records en fait, qui commençait vraiment à percer en 87.
Les autres morceaux sont globalement moins intéressants à aborder. Bang Bang You est une sorte de sous-Heaven’s On Fire insipide… d’autant plus que dans le genre Stadium Rock bas du front, à la Heaven’s On Fire / Uh! All Night / Who Wants to Be Lonely, on trouve plus tard sur l’album Hell Or High Water et When Your Walls Come Down qui sont bien meilleures. Les deux autres highlights pour moi. My Way fricote avec Bon Jovi et Van Hagar, je trouve le morceau dispensable mais le solo de Kulick sauve les meubles. Reason To Live sort du lot elle aussi, la balade de l’album, une sorte d’Here I Go Again qui ne décolle jamais. Vraiment pas terrible. La dernière surprise de l’album est Thief In The Night, une cover de Wendy O. Williams… Etonnant, mais honnêtement c’est tellement proche de ce que pourrait faire Kiss et tellement éloigné de ce que je connais des Plasmatics que j’y ai vu que du feu. Je préfère cette version à l’originale, mais c’est pas la folie non plus. Les trois derniers morceaux sont complètement oubliables.
Au final on se retrouve avec quatre bons titres, deux hymnes Stadium Rock classiques (5 et 7) et deux plus originaux (2 et 4). Le reste, sans être inepte, oscille entre le mauvais et le quelconque, et s’articule mollement autour d’un setlist mal foutue. Je me suis rendu compte à posteriori que les quatre morceaux que je préfère sont aussi les quatre co-écrits par Kulick. Comme quoi, y a quelque chose. C’est vraiment lui qui porte l’album, son jeu est assez pyrotechnique et il parvient à apporter un peu de couleur avec un tiré de cordes par-ci, une harmonique par-là, et des solos globalement réussis. Eric Carr, quoique très bon, est moins flamboyant ; Paul chante bien mais ne me fait vibrer que sur la 2 ; Gene est complètement démissionnaire. S’il m’est difficile de parler de bon album je le trouve intéressant et je le recommanderais l’écoute malgré tout. Pour Kulick et pour un Kiss qui se noie et qui essaie de se renouveler et de maintenir la tête hors de l’eau en piochant diverses idées ici et là.
(1) Sans casser trois pattes a un canard, c’est quand même nettement plus sympa qu’un métronome… Je me remets toujours pas du click sur l’intro de He-Man Woman Hater d’Extreme, ou sur The Sting of the Bumblebee version Kings of Metal 2014…
(2) Sauf si leur modèle est Atomic Punk, voire On Fire, mais c’est pas franchement les morceaux les plus vendeur du groupe, donc j’en doute.
Créée
le 23 mai 2023
Critique lue 29 fois
1 j'aime
5 commentaires
D'autres avis sur Crazy Nights
Autant j'ai du mal avec le Aerosmith version édulcoré, autant je n'ai pas ce soucis avec Kiss. Car ce groupe pour moi est un caméléon qui avait de toute façon dès le départ un côté bubble-gum dans sa...
Par
le 25 août 2023
3 j'aime
1
Crazy Nights est à mon sens un excellent exemple d’album à 5/10, globalement pas terrible mais intéressant, souvent décrié pour ce qui me semble être de mauvaises raisons. Crazy Nights est souvent...
Par
le 23 mai 2023
1 j'aime
5
Du même critique
J'ai longtemps trouvé cet album médiocre mais avec le temps j'ai fini par en apprécier les qualités et je le trouve pas si mal au final. Il lui reste malgré tout de de sacrés défauts qui m'empêchent...
Par
le 24 oct. 2020
3 j'aime
1
Heavy Metal est le témoin d'une époque, une capsule temporelle qui s'ouvre sur une esthétique datée mais malgré tout influente. D'ailleurs, l'angle de la filiation artistique est peut être...
Par
le 19 mai 2020
3 j'aime
Sans surprise que Mgla nous propose à nouveau un Black hyper efficace et immédiat. Age of Excuse est à l'image d'Exercises in Futility et With Hearts Towards None : mélodique, lisible et simple...
Par
le 21 janv. 2021
3 j'aime