Après le somptueux classique To Pimp a Butterfly qui avait redéfini les codes du rap US en 2014, Kendrick revient 3 ans plus tard si l'on exclue sa compilation Untitled Unmastered sorti en 2016 qui nous donnait une idée de ce qu'aurait pu être alternativement cet album si bien accompli et qui ne manquait pas d'excellents sons en réserves pour le compléter.
Après ce chef d'oeuvre (excusez moi le terme), la question qui se posait à mes yeux était de se demander comment Kendrick après avoir pondu certainement le meilleur album de toute sa carrière allait pouvoir nous proposer un nouveau contenu qui soulagerait notre appétit. La réponse s'appelle DAMN.
Au programme, une foule de producteurs de qualité cependant une légère déception de ne pas retrouver Thundercat dans cet album qui avait énormément influencé les sonorités de To Pimp. Néanmoins, à l'affiche se retrouvent pèles mêles BADBADNOTGOOD (qui a notamment sorti le très bon album IV que je recommande ou l'on peut retrouver le remix de Lavender avec un Snoop dont l'instru semblait taillé pour lui), Sounwave, Mike Will Made It à l'origine du puissant DNA, le très bon 9th Wonder et j'en passe.
Au niveau des collaborations dans l'album, le choix semble plutôt surprenant tant on pourrait s'attendre à des featuring avec des artistes hip hop renommés mais Kendrick a fait le choix de limiter le nombre de ses collaborations à 3, ce que j'approuve et a surpris tout le monde en annonçant la présence de U2 dans cet album. Le résultat est plutôt réussi sur le tantôt énervé tantôt planant XXX.
On retrouve également Rihanna dans le titre Loyalty qui n'est certes pas le titre qui m'a le plus touché dans l'album mais qui s'écoute de manière très agréable.
Cet album se veut engagé, en réaction aux derniers évènements politiques et sociaux qui se sont déroulés aux USA. Néanmoins, là ou certains rappeurs commencent à en devenir barbant à décliner sous toutes les formes une Amérique en train de sombrer avec un grand gourou à sa tête, Kendrick se veut plus "humble" et ne s'arrête pas seulement à cette posture, il ratisse plus large ne se contentant pas seulement d’égratigner Trump comme tout artiste en 2017 se sent obligé de faire.
Le début de l'album avec BLOOD, on retrouve les codes figurant dans les albums précédants avec une remise en question et une interrogation sur la condition humaine.
S'ensuit DNA qui démarre sur les chapeaux de roues ou il s'en prend à ses détracteurs l
Ce qui est intéressant sur cet album c'est la diversité des sons, après DNA l'enragé vient le très calme et posé YAH pour ressurgir avec ELEMENT avant de nouveau se reposer avec FEEL. Cet album surprend à la première écoute surtout lorsqu'on a en tête To Pimp a Butterfly mais ce n'est pas une mauvaise surprise, au contraire
L'un de mes coups de coeur de l'album PRIDE est un beat lent, qui embarque celui qui l'écoute dans une autre dimension tellement il en est prenant et hypnotisant.
Petit regret néanmoins sur GOD ou je ne m'attendais pas à entendre Kendrick pousser la chansonnette et le résultat de cette chanson qui est selon moi mitigé. Pour quelqu'un qui envoie des pics à Drake, j'ai eu l'impression qu'il tentait de l'imiter sur cette chanson et j'ai été un peu déçu mais ce n'est qu'un petit accroc dans un excellent album de 14 titres n'oublions pas
Le final avec DUCKWORTH ne pouvait pas être mieux selon moi avec des relents old school au niveau de l'instru et un story telling excellent dont il a tant l'habitude d'offrir.
Je pense qu'il ne sert à rien de le comparer avec son précédent album, chaque projet étant différent et la direction qu'il a pris avec cet album n'est pas décevante. Ecouter un To Pimp a Butterfly 2 m'aurait très probablement déçu et DAMN nous propose un nouvel aperçu de ce dont est capable Kendrick Lamar, la qualité lyrique est toujours présente et il est agréable de voir un rappeur qui étudie la société à travers sa plume et non à travers son petit nombril comme de (trop) nombreux rappeurs.
Il nous offre à la place, un album plus introspectif que jamais sur sa carrière et sur le monde actuelle dans lequel nous vivons, là ou des rappeurs s'inscrivent dans un genre, Kendrick fait constamment évoluer sa musique tout en ne la travestissant pas et se place là ou on ne l'attend jamais.