Il y en a parmi nous qui choisissent, consciemment ou non, de vivre dans une crise d'adolescence perpétuelle.
Dans un état d'esprit où l'on rejette d'abord, puis l'on réfléchit ensuite. On peste contre les normes trop étroites d'une société, contre les conseils de Papa et Maman, qui nous compressent, nous empêchent d'être nous-mêmes. On ne sait pas trop ce que l'on veut, alors on imagine que c'est la liberté qui nous manque. On rêve de fuite en décapotable, de couchers de soleil sans fin, de gestes romantiques sous forme de suicide à deux.
Comment en vouloir aux adeptes de cet état de fait ? On a beau critiquer ces crises, elles restent une merveilleuse source de création. Elles forment la base de nombreux romans, décrivant le départ forcé d'une enfance idéalisée, où ce que le monde nous fournissait nous semblait jusqu'alors suffisant, vers un monde adulte plus ou moins désenchanté, plus ou moins accueillant, selon la capacité de l'auteur à faire avec ce qu'il a perdu.
"The Midnight" n'a jamais caché son intérêt pour la délicieuse nostalgie des moments qui n'ont jamais vraiment existé. Leur discographie semble être une crise d'adolescence sans fin. Ils ont beau nous affirmer qu'ils vont de l'avant, ils ne cessent de regarder en arrière.
Trouver le passé langoureux et sucré n'a rien de nouveau ni de bien intéressant en soi. Pour pouvoir constituer une crise d'adolescence en bonne et due forme, encore faut-il avoir une base solide contre laquelle se rebeller. La culture vidéoludique des années 80 est un socle diablement bien trouvé : accessible à tous, donneuse d'idéaux par excellence, elle contraste avec la noirceur de la décennie la précédent. Nous ne sommes plus dans les débats sans fin et la consécration des difficultés (existentielles, financières) de la vie. Les années quatre-vingt c'est la décennie de la décharge, dans tous les sens du terme. La consommation y trouve son apogée, on nous fait l'apologie de la vie fondée sur la vitesse, la frénésie, sentimentale, corporelle. Pas de réflexions, pas de mots. Cela doit brûler vite et fort. Et c'est en utilisant un mélange d'essence excessif et déséquilibré que l'on arrive à produire des flammes par le pot d'échappement.
Les vaporeuses nappes de synthétiseurs sont les plus aptes à exciter notre ravageur besoin d'émotions, bien plus que n'importe quelle mélodie finement ciselée. L'alternance de la grosse caisse et de la caisse claire accompagne cette merveilleuse fuite en avant, tandis qu'une voix délicatement androgyne parachève le mélange en déversant ses tourments. Pas n'importe quels tourments. Ceux auxquels on tient par dessus tout, malgré la douleur qu'ils contiennent. Puisqu'ils sont finalement la preuve de notre propre existence. "Sometimes emotions almost make you feel alive".
Bande originale idéale de ces crises qui pour certains dureront une vie entière, "Days of Thunder" est tellement assumé qu'on finit par être intégré dans ce petit délire néon-nostalgique. On ne cesse d'y revenir, à moitié sans faire exprès. Si bien qu'on finit par remettre en cause l'existence même de la crise d'adolescence. Peut-être un tel phénomène est-il simplement le nom que la société donne à ceux qui ont décidé de dire non à l'ordre des choses, à ceux qui ont voulu s'imposer en tant que grain de sable dans la machine, arborant fièrement leur rage interne comme un étendard. On peut vraiment faire plein de choses avec son mal-être.