Pour en finir avec Saez, avant son grand Manifeste qui, personnellement, m'excite déjà.
"Debbie" est considéré par beaucoup comme son album le plus abouti. Et il est clair qu'il est exceptionnel. Je rajouterai même relativement optimiste, comparé à ses autres albums. J'ai même l'impression de le sentir sourire sur certains titres.
Comme "Debbie", une véritable ode à la fête, au divertissement, au bon côté de la Vie ! Les cuivres décoiffent. La fameuse Debbie donnera tout de sa chair, et on le devine déjà. "En travers les néons" utilise une progression musicale. La voix est nasillarde au possible. Moi, je fais parti de ceux qui aime ça, parce que là au moins on sent l'implication personnelle, et surtout l'interprétation de son personnage, comme un Brel d'antan qui jouait de sa voix pour incarner ses émotions. Pour les paroles, comme sur tout le reste de l'album (autant le dire d'emblée, ça m'évitera d'avoir à le répéter), elles sont magnifiques, d'une poésie noire irrésistible. Elles sont d'ailleurs, à plusieurs reprises, des double-sens ! comme sur "céleste". Nous avons là, d'un côté face une chanson érotique (comme beaucoup sur le disque), d'un côté caché un hymne à l'anarchie. Autant dire que c'est beau à chialer. "A l'amour, à la mort"... c'est le cas de le dire ! "Marie ou Marilyn", elle, parle autant d'une autre Debbie que la religion chrétienne, et notamment le dévouement que porte les fidèles religieux. Le refrain est juste incroyable, les guitares se donnent à mort. "J'hallucine", une espèce d'incantation (on voit très bien des Indiens en écoutant cette chanson), est hypnotisant. Mais arrive le grand morceau, le mystique, le magique, le monumental "autour de moi les fous" ! Si il y a une chanson de Saez que j'ai fais écouter, c'est celle-là ! C'est impressionnant à quel point ce titre fait ressortir les tourments humains, la rage, la tristesse, la révolte, les rêves brisés, le cul-de-sac politique, le vide culturel, l'appel à l'espoir, les pièges de la Société, tout ça en quelques vers sur une musique planante! On vole. J'adore, vraiment. C'était impossible de ne pas redescendre d'un cran. "Dans le bleu de l'absinthe", même si il est de bonne facture, est un peu décevante. Mais la fin à la guitare reste d'une rêverie touchante. "Comme une ombre" (là, je crois que le double sens concerne aussi une maladie mortelle, ou la Mort tout court) est magnifique de maléfice. "Marta" est bouleversante. Jamais la face nasillarde de la voix de Saez n'aura été aussi utile. Le long instrumental qui commence à la moitié donne envie de pleurer, laisser libérer notre émotion. "Clandestins" dépote aussi. Surtout quand il s'emballe, que Saez se lâche sur un cuivre déchainé. On est au plein milieu de l'acte sexuel ! "tu y crois", place particulière dans la discographie de Saez puisqu’ il est écrit par un ami, est un final d'une grande beauté, résumant parfaitement tout ce qu'on perd en convictions au fur et à mesure que le temps passe. Il veut nous inciter à vivre ("ne dis pas, toi, que la vie fatigue"). Mélancoliquement certes, mais vivre quand même ! La piste cachée reprenant un chant traditionnel japonais est contradictoire: les chœurs sont magnifiques et la voix principale est d'un foutoir indescriptible, les guitares derrières sont belles mais restent trop simples. Je sais pas quoi en penser, en fait.
Un des sommets de Saez, c'est incontestable. Ce mec est un vrai génie. Il fait clairement parti de ces artistes qui rendent heureux en parlant de malheur. La grande lignée des romantiques, donc.