Deeper Than Rap
6.4
Deeper Than Rap

Album de Rick Ross (2009)

Promis à un avenir éphémère comme tout bon one hit wonder, Rick Ross a en fin de compte été promu à l'étape supérieure du rap game: celle qui le libère du lourd poids des préjugés, des critiques et lui permet de continuer sa carrière comme bon lui semble en satisfaisant les attentes de ses admirateurs. Déjà le troisième chapitre pour notre rappeur à la cellulite adipeuse, une préparation et un enregistrement chahuté et marqué par une année plus que mouvementée pour l'autoproclamé Boss de Miami. Pour cela, il faut revenir à l'été dernier où des photos montrant un certain William Roberts (son vrai nom) en tenue de gardien de prison tournent sur le net. Une preuve qui brise sa réputation déjà très friable et ses dires, lui qui ne cesse de parler de drogue et autres trafics qu'il a commis dans sa vie. Après avoir longtemps nié, il a enfin reconnu son passé de maton, se justifiant à la troisième personne par un "Rick Ross a fait tout ça pour avoir de l'argent. J'ai tout fait, sauf trahir des potes, mettre des potes derrière les barreaux, et c'était ça qui était important pour moi." A vrai dire, peu importe ce qu'il a été étant jeune, même si ça décrédibilise un tant soit peu sa musique, cela ne la rend pas plus mauvaise.

S'il connaît comment fonctionne le business dans la rue, il en a également saisi toutes les ficelles dans l'industrie du disque. S'écartant gentiment de Slip-N-Side Records, il s'embarque maintenant dans sa propre structure Maybach Music Group, histoire de faire plus de biftons. Et ça ne s'arrête pas là, car comme pour mettre à l'ombre la controverse qui le pesait, il va encore plus attirer les projecteurs sur lui en s'attaquant à 50 Cent dans son single "Mafia Music". Sur un air funéraire, Rick Ross raconte réellement ce qu'est sa vie pendant un peu plus de 4 min, mais s'amuse donc aussi en égratignant le leader des G-Unit, en se vantant d'avoir couché avec ses ex ou encore en se moquant de sa maison qui a brûlé. Connaissant tous l'état d'esprit de 50 Cent, il en a fallu de peu pour avoir une réponse et une incontrôlable suite d'échange de diss via Internet. Notre Kimbo Slice version chamallow a compris l'intérêt d'un tel beef, le buzz de « Deeper Than Rap » est lancé...

Après multiples écoutes, on est bluffé par l'évolution artistique de Rick Ross. Non pas qu'il est changé quoi que ce soit à son style ou à ses textes poudreux, mais plus par ses choix de production qui s'avèrent beaucoup plus matures, plus soulful et trempent ainsi ce nouvel opus dans une homogénéité harmonieuse. On les avait déjà à l'œil sur « Trilla », ici le jeune collectif de producteurs floridiens des J.U.S.T.I.C.E. League nous refait un travail remarquable avec des mélodies aussi estivales que dépaysantes telles que "Rich Off Cocaine" ou le très classe "Magnificient" (Feat. John Legend) qui reprend la non moins magnifique boucle de "Gotta Make It Up To You" d'Angela Boffil (déjà reprise par Prodigy par le passé). "Maybach Music 2″ est aussi subtilement produit par eux et pour faire suite à la présence charismatique de Jay-Z sur le premier, il fallait au moins faire appel à Kanye West, Lil Wayne et T-Pain au refrain, pour tenter de faire aussi bien. Le résultat n'est pas du même niveau que l'original, mais il se laisse écouter sans problème, nous faisant rêver de richesse le temps de quelques minutes. Pas de doute, si Rick Ross se concentrait sur un album entièrement produit par le trio de la J.U.S.T.I.C.E. League, le résultat serait super élégant et pétillant comme du champagne. Leur savoir-faire s'arrête pourtant sur le festif "Yacht Club", un son pour les tropéziens, avec un refrain chaleureux du raggaman Magazeen, artiste signé sur son label.

Preuve de son intégration dans le milieu, après la participation de Jay-Z, c'est au tour de Nas de collaborer avec lui. "Usual Suspect" fait partie de ces tracks qui sortent du lot, de par la bonne production des Inkredibles (avec son air fredonné nous rappelant "Dead President"), mais aussi de par la bonne alliance qui se forme entre leur couplet. Là aussi où Rick Ross a modifié sa trajectoire, c'est en ce qui concerne les tracks R&B. Il y en a toujours et elles diffèrent fortement de l'humeur de l'album, mais celles-ci sont carrément moins formatées qu'auparavant, libre à vous après d'accrocher ou pas à leur ambiance. The-Dream qui sort tout fraîchement du succès de son second solo, assure le refrain de "All I Really Want", Robin Thicke se charge des vocalises de "Lay Back" et Ne-Yo s'occupe de rameuter la gente féminine avec "Bossy Lady". Deux tigresses viennent justement s'ajouter à la fête, et celles-ci sont connues pour sortir rapidement leurs griffes. Trina et Ross se retrouvent de nouveau en studio pour un sulfureux face-à-face pimenté par Drumma Boy. Quant à la deuxième personne, il s'agit de Foxy Brown. Drôle de circonstance que de retrouver Foxy sur un tel album, la Diva qui a un peu perdu de vue le succès avec son dernier album, un peu perdu l'ouïe également, remet les pieds à Miami en espérant qu'elle ne recroisera pas Jacki-O. "Murda Mami" est en tout cas prometteur pour elle vu que le titre est vraiment bon, Rick Ross, lui, continue de progresser quant à sa manière de poser.

Rares sont les morceaux réellement solitaires du Boss, il semble toujours avoir besoin d'un coup de main ou d'un petit refrain pour booster ses tracks, à l'image du street "Gunplay". Pourtant, lorsqu'il se met à écrire de son côté, l'inspiration semble être plus profonde, comme on a pu le constater sur "Mafia Music". C'est également le cas sur l'excellent "Valley Of Death", produit par DJ Toomp, où Ross parait plus introspectif que jamais. Ou alors il peut lâcher du plus lourd que lui sur ce hit baptisé "In Cold Blood", produit par The Runners, et qui clôt « Deeper Than Rap » de belle manière. S'il s'avère être son meilleur album en tout point, l'ironie du sort voudra qu'il s'agisse de celui qui s'est le moins bien vendu.
Bobby_Milk
7
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le 21 déc. 2011

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Bobby_Milk

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