Oustiders
Souvent, on classe la chanson française en deux camps: les populaires, et les autres. Enfin, chanson française "populaire", l'on devrait plutôt dire chanson française qui base désormais son influence sur le modèle américain traditionnel avec quelques lignes de couplet, pas grand chose a raconter, et une bonne surenchère de refrains toujours plus mielleux et mélodramatiques dans lesquels la musique aime se complaire : on ne fait plus de la chanson française pour transcrire une émotion, mais pour combler le bruit des frigos du supermarché. Il est quand même important de souligner que ce ne fût pas toujours le cas, les maitres des textes régnaient jadis sur les transistors, Boris Vian, Ferré, Aznavour, Barbara, ses grandes voix qui continuent de nous faire vibrer encore et encore, mais que l'on écoute que pour le plaisir nostalgique, et un peu "vieux con", de ce dire qu'en fait, la chanson française, c'était mieux avant. Oui, mais non. Dans l'ombre des hypermarchés, tapis dans le bouche à oreille, sans promotion aucune, sans pression médiatique, avec une totale liberté artistique, un chanteur française part à contre courant de tout le reste, que ce soit ceux qui savaient manier la langue où le quotidien devenaient poésie, et ceux qui ne savent pas la manier, mais qui étrangement, emplissent le quotidien de tous, même lorsque ce n'est pas voulu. Un reste, un part dans une autre direction, aussi loin que les poèmes de Rimbaud, Baudelaire, de Lautréamont, il guette, et s'en fout.
L'envie d'être ailleurs
Parce que c'est ça, une défloration, c'est l'envie d'aller voir ailleurs. Sous une brume sans soleil où le réverbère ne brille plus que d'une lumière rouge glaciale, l'on écoute, impatient, dans ce mélange étrange de mots qui ne semblent vouloir rien dire, mais pourtant lourd de sens. Certaines sonorités se mêlent, s'entremêlent, pour former un tout étrange, organique et ordonné, où l'on passe d'une ambiance froide et rugueuse, à du reggae sur la banlieue, et tout ça, parfaitement, sans que cela ne fasse tâche ou défaut. L'on zigzag entre les sons, entre les mots, entre les paroles toujours plus absconses, et, lorsque la réalité nous rattrape, elle nous étouffe des minutes durant, sans que celle-ci nous lâche, l'on repart, sonné, par sûr d'avoir aimé, par sûr de savoir ce que l'on à voulu nous dire, mais que ce que l'on nous a dit est spontané, et, irrémédiablement sincère. Ainsi parla-t-il, ainsi parlera-t-il encore. Puis l'on refait face à une noirceur de l'âme, entre deux moments érotico-romantiques, toujours à la recherche de ce que l'on souhaite nous dire. Rien mais tout à de sens. Pas de refrains dansant, pas de couplets cours, pas de non prise de risque, encore et toujours cette volonté d'être ailleurs, de s'enfuir, mais de rester là, en terrain connu.
Se définir
Et quand restera t-il alors? Rien, qu'un coup d'un soir, intense, inoubliable, que l'on souhaiterait revivre, et qui, pourtant, ne reviendra plus. Comment l'expliquer alors ? Notre partenaire ne l'a sans doute pas bien vécu, il avait peur, c'était un vendredi 13 à 13heure du soir après minuit, lors de sa 13ème nuit, à son 13ème coup d'essai. Aussitôt fait, aussitôt enchainé dans ce placard noir, où l'on ne souhaite que garder quelques instants. Le temps de le faire à plusieurs, et de ne plus y repenser. Le temps de le partager à quelques privilégiés, et l'on s'en va, encore vers d'autres horizons. J'aime cet album, profondément. Il me sort, me fait voyager en terrain connu, toujours en vitesse, jamais excessif, toujours en noirceur et en lumière, en clair obscur infini. Oh, je lui reconnais des défauts, il en fait peut-être parfois trop, il est parfois un peu brouillon dans sa production. Mais lorsque l'on usine une treizième défloration, certains pétales restent coincés dans les rouges de notre orchestration, mais ce sont eux, heureux accidents, qui donnent le sel du produit final. Inégal et inégalé, torturé et triturable, qui se dévoile en restant secret. C'est le sel de cette fuite en avant, en savant pertinemment que ce n'était qu'un caprice, et que le reste redeviendrait autre, encore une fois.