Ô léthargie, quand tu nous tiens ! Album onirique sorti en plein monde de zombis qui reçut un coup de massue aérien. Zombis aussi, nous, qui travaillons toujours actuellement pour l'Europe qui nous faisait chanter la joie d'être tous unis, autrefois.
J'ai une saison en tête : l'automne. Des Visages Des Figures s'écoute bien en automne, à la chute des feuilles qui sont comme autant d'illusions envolées. En hiver aussi, ça passe bien, dans une quiétude froide, gelée, sous un soleil pâle, quand toute la sève s'en est retournée sous la terre. Mais même le pessimisme à également une fin. Car derrière cette tristesse qui habite l'ultime album de Noir Désir mugit un désir de ne pas abandonner le combat, celui de tous les jours, de ne pas dire oui et amen à tout (merci Jean-Paul Roy) ce qu'on veut nous imposer. Album triste mais posé, poétique et osé. Osé pour "L'Europe" en compagnie de Brigitte Fontaine pour les plus de vingt minutes de durée, déjà, se démarquant par un long blanc après "Bouquet de Nerfs". Triste à l'exemple du diptyque "Son Style" : le "1" arrive comme une poussée nucléaire lointaine où l'effet luminique met en lumière nos conditions de branchés à des mondes factices, tandis que le "2" enchaîne sur un chant désolé, face à la mer que la guitare de Serge-Teyssot Gay transcrit par une sonorité iodée qu'on n'avait pas entendue depuis Veuillez Rendre L'Âme (A Qui Elle Appartient). Peine et désespoir, mais au plus profond gît une lueur, une petite flamme d'un cierge pour une reprise solennelle de "Des Armes" de Léo Ferré, belle comme une veillée de messe, une prière dans la solitude nocturne. Et se blues lent, flottant comme du trip hop qu'est "Des Visages Des Figures", flamboyant par son orchestration finale ... Je n'en étale pas plus.
Un album qui coupe nettement avec les précédents par son côté expérimental. Noir Désir a franchi une strate musicale au-dessus. L'album aura mis du temps à se faire (à nouveau) apprécier. La cause d'avoir longtemps regardé en arrière probablement.