En 1978, la fratrie compliquée des Jackson se portait bien mais leurs derniers albums avaient montré des résultats bien décevants, rien à voir avec le succès du début des seventies où tout ce qu’ils touchaient se transformait en or. Rien de grave, mais c’est comme si les frangins semblaient déjà appartenir au passé, alors que des Stevie Wonder ou Marvin Gaye offraient une vision de la musique soul autrement plus riche et intéressante. C’était mal connaître le chef non désigné (mais chef quand même tellement son talent écrasait celui de ses frères), Michael, qui ne veut pas végéter dans un demi-succès, une demi-réussite. Non, il veut de la flamboyance, du clinquant, de l’énormissime, ce dont la pochette de ce « Destiny » (quel titre et ce paon qui déploie ses plumes !!!) témoigne parfaitement. En gros, s’ils ne se rattrapent pas vite, les Jacksons pourraient vite entrer dans les has been de l’histoire de la musique populaire. L’album frappe fort, le plus gros succès commercial de la famille, du genre à vous faire vous diriger vers le dancefloor dès que les 1ères notes retentissent ! Et un album qui commence par « Blame it on the boogie », hit disco par exemple, ne peut qu’inciter à la danse sans délai. C’est bien un Jackson qui a signé ce morceau, mais Mick, qui n’a rien à voir avec la famille de Michael car il est britannique et comptait bien refourguer sa chanson à…Stevie Wonder ! Les frangins comprennent le potentiel du morceau et s’en emparent illico presto, en en faisant un hymne joyeux et irrésistible au pouvoir de la musique. Un des plus gros hits des Jacksons, l’affaire est dans le sac. Le reste de l’album pourrait être médiocre voire mauvais, que nenni ! Il est au contraire d’un niveau qui ne connait aucune baisse de régime, à part peut-être le slow « Push me away » qui bien que parfaitement réussi, fait un peu retomber le soufflé (rien de grave, rassurez-vous). Pour le reste, la danse, la danse et encore la danse sur fond de funk groovy, l’immense « Shake your body » est là pour le prouver. La performance vocale de Michael est tout du long phénoménale, écoutez-le sur « Destiny » avec ses cuivres clinquants et la guitare brillante de Michael Sembello. Le funk trépidant de "All Night Dancin" emprunte aussi plusieurs éléments rock qui donne à l'ensemble une touche sophistiquée, on dirait du Huey Lewis and The News avant l'heure, impossible que ce dernier ne s’en soit pas inspiré. Les aspects plus pop mais toujours très groovy de "That's What You Get" emportent eux aussi le morceau vers les sommets. Pas la peine de passer en revue tous les titres, ils sont du même tonneau et ouvrent clairement la voie, par leur mélange de funk-pop-rock, à « Off the Wall » de Michael qui allait sortir l’année suivante et lancer une carrière exceptionnelle. Le pari de cet album était risqué, ils auraient pu se ramasser violemment mais ils s’en tirent plus que haut la main. Le succès gigantesque de Michael en solo allait changer par contre grandement les relations familiales et déchirer les frères.