Destroyer
6.6
Destroyer

Album de KISS (1976)

Quelque chose de nouveau, de plus sophistiqué et aventureux au niveau de la production

Ça y est : Kiss y est arrivé! Kiss s'est enfin fait remarquer et a pu voir ses ventes d'albums décoller grâce au succès de l'album "Alive!" où le groupe a montré toute sa maîtrise et son savoir faire en live. "D'accord le groupe gère en live, mais sur album studio on a pas encore entendu de disque qui puisse être qualifié de chef d'oeuvre du hard rock américain". La réponse à une affirmation de ce type se nomme "Destroyer" sorti en 1976.


"Alive!" était un album marquant par l'énergie qu'il véhiculait et son côté brusque et direct, Kiss a alors la très bonne idée de se diversifier et d'apporter à ses fans quelque chose de nouveau, et de plus sophistiqué et aventureux au niveau de la production, ils font alors appel à Bob Ezrin comme producteur, ce dernier s'étant pas mal fait apprécier pour son travail avec Alice Cooper, et se fera à nouveau connaître en produisant "The Wall" de Pink Floyd notamment. Ce dernier a donc une conception un peu plus ambitieuse et moins "primaire" dans la façon d’appréhender le nouvel album de Kiss, ainsi l'album est garnit de bruitages et d'effets sonores totalement inédits pour le groupe. Le plus notable de ces effets sonores étant notamment l'introduction du premier morceau de l'album : "Detroit Rock City" où l'on entend pendant plus d'une minute un type démarrer sa voiture en écoutant un extrait de "Rock and Roll All Nite" du précédent album, symbolisant une sorte de rétrospective sur le succès précédant du groupe, le morceau est d'ailleurs entouré d'une aura symbolique puisque à la fin de celui-ci on entendra la voiture du pauvre homme se crasher avec lui... relatant ainsi un terrible accident similaire à celui d'un fan allant voir Kiss en concert. Mais au delà de ces bidouillages entourant le morceau d'une visée symbolique, ce dernier est excellent musicalement et est probablement un des meilleurs morceaux de Kiss dans les années 70. La batterie de Peter Criss y est puissante et rapide comme jamais auparavant, tandis que des riffs de guitare d'Ace Frehley viennent se greffer à l'ensemble afin de former une sorte de cavalcade rock and roll puissante et jouissive, mais le moment de grâce ultime du morceau réside dans le solo de guitare aérien survenant vers la fin de celui-ci...pendant un instant on a réellement l'impression de survoler le "Detroit de la cité du rock" tel un aigle impérial. C'est également là qu'on comprend à quel point Kiss a opéré un changement musical important, aucun morceau de leur répertoire n'avait encore eu autant de classe, de puissance, mais surtout ne sollicitait autant l'imagination de l'auditeur.


Passé un tel mur du son qui constitue une entrée en matière très spectaculaire pour du Kiss, voici venir "King of the Night Time World" où le son de guitare est assez en retrait comparé à d'habitude... et surtout plus mélodique, on a plus l'impression d'écouter un morceau de glam-rock typique, le refrain assez festif et lumineux le laisse à penser également. Le morceau suivant est un parfait contre-pied à celui-ci, il s'agit de "God of Thunder" premier morceau de l'album où Paul Stanley laisse le micro à Gene Simmons... et au vu du résultat on peut s'estimer heureux qu'il l'ait fait! Le riff principal de ce morceau est tout simplement hallucinant : lourd, plombant, et appuyé par un chant cru, grave, et menaçant où Gene se décrit comme le "dieu de la foudre et du rock n roll", cette déclaration est rendue très convaincante par la puissance dévastatrice du refrain, et son côté très sombre. Toutefois, c'est aussi là que indirectement on peut apercevoir les premiers éléments de mésententes entre le guitariste Ace Frehley et le producteur Bob Ezrin. En effet, Bob a eu l'idée géniale là encore de rajouter une certaine ampleur au morceau via des petits cris et des bruits d'enfants...c'était une excellente idée, mais cela vient légèrement couvrir le superbe solo de Ace en plein milieu du morceau! Une fois, encore le travail de Ace en tant que guitariste est à nouveau plus en retrait que d'habitude, ce qui ne fera qu'ajouter des tensions supplémentaires entre Bob et le guitariste lorsqu'ils feront de nouveau appel à lui quelques années plus tard.


Le reste de l'album semble en revanche bien plus "joyeux", et à ce titre le deuxième morceau en était certainement le plus représentatif... on retrouvera ainsi "Flaming Youth" et "Sweet Pain" à nouveau chanté par Gene Simmons un peu plus tard dans un style très soft et Glam Rock un peu moins impressionnant que le reste, même si toutefois "Flaming Youth" bénéficie d'un riff de guitare assez recherché et bien exécuté. "Great Expectations" lui est certainement le morceau qui incarne le mieux les effets grandiloquents inhabituels pour du Kiss sur cet album, il démarre comme une douce ballade chantée par Gene puis se conclut sur des dizaines de chœurs (probablement féminins) chantant le refrain en même temps que Gene, mais cela n'est en rien désagréable, et pour tout dire assez sympa à écouter. Dans la rubrique des singles devenus des classiques du groupe on retrouve "Shout It Out Loud", aux phrasés très expéditifs, et au refrain très joyeux et répétitif... le tout colle bien au thème de la chanson qui est un appel à la fête et au rock'n'roll, quel qu'en soit les obstacles... des voisins mécontents par exemple...ça sent le vécu!


Pour conclure ce monument du rock et toujours dans cette veine de montrer que Kiss est capable de se diversifier, on a droit à une ballade chantée par Peter : "Beth", assez décriée avec le recul à cause d'un aspect que certains qualifient de "mièvre", le morceau demeure cependant sublime musicalement : accompagné de violons, et d'un piano... l'orchestre fait un boulot remarquable et démontre ainsi que Kiss n'est pas un groupe de hard rock ordinaire dépourvu de tendresse ou de subtilités. Enfin, tout s'achève avec un morceau qui sera repris bien plus tard de façon brouillonne par Nirvana : "Do You Love Me?" sorte de synthèse regroupant toutes les caractéristiques de l'album : frais, entraînant, rythmé, festif, agréable, lumineux,... ET la guitare toujours assez en retrait comparée aux autres albums au grand désespoir de Ace. A noter qu'en guise de conclusion définitive, les chœurs de "Great Expectations" (grandes espérances en Français) sont repris lors d'un enregistrement de concert où Paul Stanley s'adresse à la foule... symbole d'un succès grandissant présagé en début d'album et confirmé à la fin.


Destroyer est donc un grand album de Kiss, et un des sommets du hard rock américain... le groupe a placé la barre tellement haute en l'espace de deux albums qu'il se sentira obligé de tout mettre en oeuvre pour sortir un excellent album par an pour ne pas être oublié, jusqu'à la fin des années 70 où une brève pause lui sera salutaire pour tenter d'avancer de façon sereine.


Chronique écrite le 8 octobre 2013

Venomesque
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le 2 févr. 2019

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