Fabe, Befa ou encore l'Impertinent, autant de pseudonymes pour définir un rappeur hors du commun qui a marqué une génération par son rap engagé et ses prises de positions avant de se retirer du "game" et de toute apparition médiatique au début des années 2000.
Car Fabe est un rappeur engagé avant tout. S'il a découvert le milieu du Hip-Hop par le graffiti, comme beaucoup de rappeurs des années 90, il s'est laissé charmer par le MIC pour l'égo-trip dans un premier temps, avant de réaliser la portée que pouvait avoir ses textes au près du public et le statut de porte-parole des quartiers que son succès lui conférait.
Fabe va alors travailler d'arrache-pied sur ses textes pour élever le rap et les consciences de son auditoire ("avant de sortir un skeud je me dois de fournir un travail sérieux"). L'album "Détournement de son" est l’apothéose de ce labeur avec des textes qui traitent de la banlieue ("Au fond de nos coeurs"), du rap ("Classique" avec les rimes en -ion du dernier couplet !), des inégalités ("Nuage sans fin") et du rôle de tout chacun ("Et tu crois quoi ? Que j'vais dire que c'est à cause de l'Etat ? Quand tu plantes ton frère, est-ce que c'est Jacques Chirac qui prête son bras ?"). Fabe fait également une critique au vitriol des politiques "séniles" dans le morceau mythique "L'impertinent" avec la fameuse phrase qui lui vaudra une accusation pour incitation à la violence : "La vie est une manif, la France une vitre et moi un pavé" et déplore le fait que la délinquance progresse chez les jeunes des quartiers "c'est l'arme du crime, la combine et la délinquance" sur le morceau "Aujourd'hui", court mais véritable classique du rap français.
Mais le plus fascinant avec ce rappeur c'est son style, unique, à la fois léger et pertinent, sa manière d'aborder des thèmes de société et son utilisation des rimes. Fabe, avec ses tournures de phrases, arrive à faire naître un rythme atypique tout le long de ses couplets qu'on pourrait qualifier aujourd'hui d'old school avec des thématiques pourtant bien actuelles. Le tout couplé avec des références au sport, à la musique, au cinéma, à l'histoire... C'est un rappeur qui s'amuse dans ce qu'il fait, qui prend beaucoup de plaisir à rapper ("microphone branché je me sens tellement bien!") mais surtout qui prend son rôle très au sérieux (ce qui lui vaudra de quitter l'émission taratata après une mauvaise blague de Nagui).
A noter les bonnes apparitions des différents collaborateurs, de l'éloquence de Koma (membre avec Fabe de la Scred Connexion) sur le morceau "Tu preux pas te tromper", en passant par Seär et Loréa sur "Exercice de style" ou encore AI dans "Correspondance". Bref, un album bien léché et qui en jette, une grosse claque pour les amateurs de rap qui se respectent