Yoshiko Sai est l’une des artistes japonaises les plus fascinantes de ces dernières décennies. Elle n’a enregistré que quatre albums studio... en seulement cinq ans de carrière ! Révélée par son premier album, Mangekyo ("kaléidoscope"), sorti en 1975, sa musique se caractérise par des textes dont l’harmonie avec les instruments est extrêmement travaillée.
Cela s’explique sans doute par le fait que Sai est poétesse, et qu’elle porte une attention toute particulière aux allitérations et aux assonances dans les paroles qu’elle compose. On ressent aussi cette sensibilité originale dans sa façon de chanter, qui oscille entre une douceur fébrile et une force très sensuelle qui m’a personnellement beaucoup touché.
Cho no Sumu Heya ("une chambre pour les papillons") peut être considéré comme son album le plus abouti, au moins pour ce qui est de l’accompagnement musical, composé de quatre instruments : piano, basse, contrebasse, batterie (et parfois flûte traversière). Le travail de composition impressionne par sa finesse et sa fusion parfaite avec le chant très modulé de Sai ("Yoru No Mado"). Le piano (joué par Tsuyoshi Yamamoto) en particulier émeut à plusieurs reprises jusqu’aux larmes ("Ano Aoi Sora Ni Wa Kamisama Ga Sunde Iru", "Oni Zukushi") dans des solos tout à fait splendides, qui se marient parfaitement avec les mélopées envoûtantes de la chanteuse.
En dépit de sa faible notoriété, Cho no Sumu Heya est un album majeur de Yoshiko Sai et du jazz japonais dans son ensemble, qui mérite évidemment d’être découvert. Il est disponible à l’écoute gratuitement sur YouTube, où il connaît actuellement un regain croissant de popularité à travers le monde.