Toujours compliqué pour un fan des Stones de se replonger dans leurs années 1980 où le groupe se contente parfois d’enchaîner les albums poussifs et sans envies, suivant les modes (à l'exception du génial Tattoo You fait à partir de chutes d'anciens albums) et organisant d'immenses concerts où ils déroulaient un répertoire avec peu de surprises et avec plus d'énergie que de véritables éclairs de talent (toute proportion gardée évidemment!).
Surtout que pendant ce temps, Charlie Watts commençait à être accro à la dope, Keith et Mick ne pouvaient plus se piffer et ce dernier rêvait d'une grande carrière solo. Bref c'était dur et, malgré le succès de plus en plus présent, ils n'étaient plus le The World's Greatest Rock 'n' Roll Band comme le définissait Jagger au début des années 1970.
Pourtant l'enregistrement de Dirty Work marque une date capitale dans l'histoire du groupe avec la mort de Ian Stewart, celui qui était appelé, à juste titre, le sixième Stone. Présent dans le groupe avant Charlie Watts et Bill Wyman mais dont l'image ne faisait pas Rolling Stones selon le manager de l'époque Andrew Loog Oldham, il était le pianiste et le manager du groupe. Travaillant dans l'ombre, il contribua à l'âge d'or du groupe (et c'est lui le Stu du Boogie with Stu de Led Zeppelin dans Physical Graffiti) et signe ici sa dernière contribution avec ce qui est assurément la meilleure chanson de l'album, la très belle clôture Sleep Tonight où le groupe semble enfin uni, pour rendre un dernier hommage à Stu.
Excepté ce triste événement Dirty Work est dans la lignée d'Undercover, pas totalement mauvais mais sans aucun génie, sans grande envie et surtout avec une ambition assez désagréable d'être dans l'air du temps. La production sonne très années 1980 avec quelques touches pop, funky et new-wave qui ne collent guère au style des pierres qui roulent. Certaines chansons comme Back to Zero sont représentatives de cette envie de suivre les modes et sont clairement mauvaises. Sinon, les Stones oscillent entre des rocks basiques et guère originaux qui s'oublient aussi vite qu'ils ne s'écoutent et quelques tentatives presque foirées de reggae à l'image du mauvais Too Rude.
Pourtant, derrière cette hideuse (recto comme verso) pochette fluo, tout n'est pas à jeter. Les Stones ont fait appel à un grand nombre d'invités prestigieux (Jimmy Page, Tom Waits, Bobby Womack, etc) pour combler le vide artistique et la guitare de Page sur l'introduction One Hit (to the body) est sympathique. Certaines chansons, sans atteindre (et de loin) les sommets stonniens (la période Mick Taylor semble tellement loin), restent écoutables, parfois inspirés et pas désagréables comme la reprise groovy de Barry White Harlem Shuffle voire même Fight ou Hold Back et bien évidemment cette belle conclusion. Bref, quelques morceaux qui me rendent indulgent face à l'une des plus faibles, et non mémorables, productions du groupe.
Dernière collaboration d'Ian Stewart, lui qui était présent depuis les prémices du groupe, dont le bel hommage Sleep Tonight surnage au milieu d'un album produit sans envie, sans génie et au gré des modes de son époque. Leur prochain, Steel Wheels, marquera le début d'un renouveau et la paix entre Jagger et Richards.