MA BIBLE
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Dans ses travaux sur l'ambiant, Brian Eno a conçu du soporifique ("Neroli") comme du grandiose ("Apollo 11"). En même temps, lorsque l'on part d'un concept d'ambiance qui puisse être savourée avec ou sans écoute à proprement parlé, il est facile de basculer dans une musique strictement relaxante, méditative. Et là, le son est précis et rare ; Lou Reed en a d'ailleurs produit un, pour la pratique du tai chi, juste avant de produire son fameux "Lulu" et de dire "so long, suckers" (Lou Reed quoi). La mélodie doit aspirer à l'ampleur légère, n'avoir pas vraiment de notes dissonantes ; finalement, l'ambiant n'est pas tellement voué à cela alors, "Small Craft on a Milk Sea" du même Eno est là pour nous le confirmer. Une atmosphère translucide, voilà l'intention première ; intention extrêmement abstraite donc.
Pour moi, "Discreet Music" est la pleine définition de l'ambiant, sa quintessence tout comme son manifeste. Musique discrète, et pourtant tellement présente. Le titre éponyme, longue déviation dans une ville en suspends, où des motifs musicaux reviennent comme des chants lointains et aigus, en deux notes étirées qui semblent chuchoter le calme même, cette pièce finalement hantée par des âmes qui ont trouvés la paix, peut tout aussi bien bercer votre sommeil que votre voyage vital. Elle accompagne nos pensées, en sa cadence à la fois divergente dans son volume et constante dans son ton, et sa fonctionnalité de berceuse méditative parvient à atteindre une profonde communication avec notre propre stress quotidien, comme un endroit rassurant se reposant sur le son d'une vague civile toujours gentille. "Discreet Music", c'est le genre de musique au synthétiseur qui pourrait vous extirper d'un voisin un peu bruyant et vous aider à, au moins, fermer les yeux et à penser aux bonnes choses que vous avez fait dans la journée, tout comme elle peut vous aider à imaginer des scènes de films ou de livres.
Après cette plage de sable fin, qui est quand même longue n'est-ce pas, Brian Eno sert... trois variations du Canon en ré majeur de Johann Pachelbel , interprétées par le Cockpit Ensemble et dirigées par Gavin Bryars. Ca pouvait paraitre étrange, alors qu'à l'époque Eno fréquentait des mecs comme David Bowie et Robert Fripp ! Mais finalement, Pachelbel peut être un précurseur de l'ambiant, et cela pourrait expliquer sa présence ici. Pachelbel, à mon sens, est un compositeur magnifique, peu lui arrivent à la cheville en matière de cordes (à part Samuel Barber, Bach ou Beethoven...). Mais une fois que vous en avez écouté une, vous les avez toutes écoutées : ce sont des variations infinies de la même couleur musicale ! Tout comme les pièces d'Eno : "An Ascending", qui évoque l'espace, a le même procédé, la même intention et le même "discours" que "Thursayd Afternoon", bien que l'atmosphère soit complètement différente sur la forme. C'est l'improbable lien entre ces deux artistes, et j'aime profondément ces réinterprétations, accompagnées d'un synthétiseur là-aussi sobre et élégant.
Entre la relaxation et l'expérimental, une certaine folie et une paix formelle, la plus pure retranscription de l'identité évocatrice de la musique tout comme son pressage le plus extrême, "Discreet Music" expose ce grand écart ultra influent comme un confluent posé en avance au bout d'un fleuve dont la portée ne cesse de servir les gens, de plus en plus oppressés par les attentes de cette société. Une ville réside dans cet album : vous y êtes parfaitement seul, vous y êtes pleinement avec vous-même, rien ne peut vous y atteindre. Discret(e).
Créée
le 10 déc. 2021
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