Dissed and Dismissed est fini.


Avant d’avoir commencé oui. En un souffle. Mais toujours un peu là. La pièce est vide, les dernières notes de « Walk Away » ont quitté les lieux depuis longtemps déjà. Combien de temps ? Encore si proche…encore un peu là…déjà parti…comme une présence amie qui s’attarde en pensée, qui laisse un peu de sa personnalité à chaque venue…en guise d’au revoir…qu’on n’oublie pas vraiment malgré la solitude du moment, cette pièce creuse qui résonne en silence…on n’a pas eu le temps de se dire, ce qu’il y avait à dire…j’attends ton retour…si tu repasses la porte, si tu envahis l’espace…pour un autre tour de manège…le grand bal déjanté, les folles nuits…


Dissed and Dismissed est fini.


Abouti. Jusqu’au-boutiste évidemment. Perfectionniste. J’entends sur son passage résonner l’âge d’or de Thin Lizzy, l’amorce d’un riff Zeppelinien, les premières bafouilles de Weezer, le punk narquois de NoFX et puis bien sûr l’esprit, l’âme des Home Recordings de Rivers Cuomo. L’œuvre personnelle, le travail sur soi, le cerveau qu’on triture, d’heures en heures à gratter, gratter encore en quête de la parfaite expression du soi immédiat, du feeling juste, l’instant magique…pour ne pas oublier…ne pas perdre le fil d’Ariane…ne pas s’égarer dans ce labyrinthe qu’est la vie.


Dissed and Dismissed est fini.


Et chacun des brûlots pop qui le constituent est fini. Et chaque riff de chacune de ces déferlantes punk est fini. Et chaque note est finie, de même que le moindre larsen a sa place. Et tout ça est comme un recueil mais s’écoute comme un album car la cohérence est bien là, car c’est le travail d’un seul homme.
Et tout ça sonne comme une succession de pamphlets rageurs. Un coup de poing sauvage…j’y entends les vociférations des Pistols, les hurlements scéniques de Joe Strummer…puis tout s’arrête…reste le souvenir des douze minutes passées…pendant lesquelles personne ne hurlait ni ne vociférait, Tony Molina chantait…en paix avec lui-même…avec la douceur nonchalante d’un Sufjan Stevens…la violence est ailleurs…dans la création, l’épuration acharnée…en ressort une musique extrême, taillée à la serpe, qui exige chaque parcelle d’attention.
Ici l’adage qui dit que l’œuvre parfaite n’est pas celle où il n’y a plus rien à ajouter mais bien celle où rien n’est à retirer est loi. De cette profession de foi, Molina tire la quintessence de son art en quelques douze minutes, dérisoires au temps de l’écoute, interminables en ce qu’elles engendrent.


Dissed and Dismissed est fini.
C’était un grand et beau voyage en forme de départ, une ode à l’aventure, l’invitation péremptoire…sur les rails et en avant…mort à la monotonie…mort à l’ennui…franchi le pas de ta porte…cherche encore un peu…au son des notes qui résonnent et t’accompagnent…car tout le reste n’est pas fini.

-IgoR-
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le 8 janv. 2016

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