Big
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le 5 juin 2019
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J'ai beaucoup hésité - plus de 6 mois - avant d'écrire quelques lignes sur "Dogrel", cet album, généralement encensé et par la critique, et par tous mes amis, enfin ceux qui écoutent la même musique que moi. Un album que je n'arrive pas à vraiment aimer, ou pire encore, qui ne m'intéresse pas vraiment : soit le genre de choses qui n'arrivent pas si souvent que ça, je crois que le dernier groupe "faisant l’unanimité" que je n'ai jamais réussi à vraiment comprendre, à l'exception d'une poignée de chansons, c'est Oasis... Ce qui m'a finalement décidé, c'est la confirmation de mes doutes lors du passage de Fontaines DC au Bataclan - un set qui a reçu lui aussi beaucoup de louanges, mais qui m'a laissé, admettons-le, vaguement indifférent.
Vu que Fontaines DC figure dans les listes de fin d'année de bien des gens, il est sans doute inutile de rappeler que le groupe vient de Dublin (DC = Dublin City), s'inscrit dans le renouveau actuel du courant "post-punk", et est célébré pour l'attention portée à l'écriture de textes aux ambitions littéraires tranchant avec le tout-venant des "paroles" Rock. La déclaration d'intention ouvrant l'album ("My childhood was small / But I'm gonna be big") touche en effet juste, et on ne peut que souscrire à la détermination de Grian Chatten de sortir du lot "par le haut", d'aspirer à une autre vie que la sienne (... même si l'on croit savoir que Grian n'est pas un pur "Dubliner", et que son accent local a été minutieusement développé...). Et de fait, les textes de "Dogrel" sont largement mieux écrits que la majorité de ceux des groupes contemporains de Fontaines DC... au risque parfois d'un certain maniérisme qui rappellera les errances initiales d'un jeune Springsteen avant qu'il ne trouve la voie de la simplicité la plus sincère : "I was towelled up to the waist while you were fresh from the confession / The angry streets they twisted up and billowed with the laughter / Anyway I thought to burn the rags in some kind of primal fear / And now the night is blue and red and they're tearing down the plaster..." sur Hurricane Laughter (pas loin d'être le meilleur titre de l'album, le plus puissant en tous cas), ça en jette, c'est sûr, ça lorgne plus du côté de Joyce que de Bono, mais est-ce que ça touche vraiment au cœur ?
De toute manière, ce n'est pas pour autant que cette originalité "littéraire" et cette ambition font de "Dogrel" un GRAND album, à mon humble avis. Trop de citations et de références - même si c'est le lot de 90% des groupes de Rock de ce côté-ci de l'Atlantique... -, pas assez d'expression musicale de cette fameuse "rage" que le groupe brandit comme un étendard, les chansons, oscillant entre bonnes et simplement moyennes peinent à accrocher, à convaincre. On est bien loin des Sex Pistols, abusivement cités à propos de Fontaines DC, le chant de Grian Chatten s'apparentant plutôt à celui de Mark E. Smith qu'à celui de John Lydon : non pas que The Fall soit un mauvais modèle, bien au contraire, mais j'ai plus de sympathie moi-même pour les déflagrations brutales d'une révolte viscérale que pour la mise en scène un peu hautaine d'un mépris que l'on peut toujours soupçonner d'être de l'arrogance. Bref, entre cet effet de distanciation volontaire et une production qui privilégie la voix plutôt que les guitares, ce n'est pas si facile d'adhérer au programme de "Dogrel" !
L'album se termine sur une citation des merveilleux Pogues (le traditionnel "Dublin City Sky" fait chaud au cœur), mais ne fait que souligner l'abîme qui sépare le désespoir brûlant d'un Shane McGowan de l'agressivité minutieuse, comme pondérée, d'un groupe qui semble soit retenir ses coups, soit ne pas croire complètement à ses récits de frustrations.
On vient d'apprendre - est-ce une blague ? - que le prochain album de Fontaines DC serait californien et influencé par les Beach Boys. Si cela s'avérait vrai, cela donnerait de l'eau à mon moulin, et confirmerait que "Dogrel" relève plus de la mise en scène habile que de la transcription urgente. Ce serait aussi une bonne nouvelle, car nous ne pouvons rien souhaiter de mieux à Fontaines DC que de renoncer à ses pastiches de punk rock.
[Critique écrite en 2019]
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Créée
le 21 déc. 2019
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