Je crois qu'il y a quelque chose de cassé en moi. Un truc rompu, un équilibre qui joue au tape-cul pour tenter de me désarçonner. Quelque chose qui crie : "il faut me donner à manger, il faut me donner quelque chose à me mettre sous la dent, étancher ma soif, mon appétit ou je te pourrirai la vie ! Parfaitement, je te pourrirai la vie jusqu'à la fin de tes jours. Je te plongerai dans l'abîme de ta propre violence". Rires démoniaques. Fin de la transmission. Cette bestiole, ce machin plaisant s'alimente de rythmiques stoner, doom même, de lentes valses graves et de voix hallucinées.
Alors quand je lui sers un petit Dopethrone, elle ronronne de plaisir. Electric Wizard, c'est un peu son Royal Canin menu gourmet. Il faut dire qu'à la première écoute, on n'est pas loin de la consistance de la pâtée. Informe, poisseuse et dégoulinante.
Car Dopethrone est avant tout un long trip noir, comme un bon café, la caféine en moins. On passera sur la pochette du disque, adolascive, EW n'a pas résisté à la tentation de nous servir l'écueil de la feuille de cannabis. Un mauvais goût pour les artworks assez commun, finalement, dans la mouvance doom-stoner. Ca fait aussi son charme.
Dopethrone donc, cette ode hissée au rang de référence de la deuxième vague stoner, ouvre les années 2000 sous de nouveaux auspices. Et rentrer dans le XXIème siècle réussit bien à Electric Wizard.
L'album est une réussite, comme en atteste son morceau phare "Funeralopolis". Titre évocateur. Une lente montée Sabbathienne, heavy au possible, avant l'accélération mystique sur fond de space opera dépressif, qui nous amène à une conclusion assez radicale – oui, oui : "Nuclear warheads ready to strike/ This world is so fucked let's end it tonight"x 8 (ou 9). Vous l'aurez vite compris, on aurait pu trouver pire successeur à Bush à la Maison Blanche (qui l'eût cru ?). EW ne fait pas de la politique, EW fait de la musique, et c'est tant mieux pour nous.
"We Hate You", Dopethrone, "Mind Transferral"... bref tous les arguments du trip qui revient en boucle sur lui-même, excluant le monde qui l'entoure d'une pichenette négligente, pour gagner en puissance au fur et à mesure des écoutes et s'autosatisfaire d'un flot écumant et haineux.
Malheureusement, avec une moyenne de 10 minutes par morceau, on tourne un peu en rond parfois, ce qui empêche l'album d'être une vraie tuerie. "Weird Tales/Electric Frost/Golgotha/Altar of Melektaus" en témoigne, ce morceau en 4 parties, se perd dans ses propres méandres après un début prometteur – Même constat avec "I, The Witchfinder".
Ce qu'il manque, finalement, ce sont des intermèdes un peu plus courts – ou plus inspirés ? – dans cet album monolithique. Mais je ne vais pas bouder mon plaisir, le mien et celui de ma bestiole.