Certaines personnes aiment associer des musiques à un contexte (musique pour les soirées, pour la voiture, pour se détendre, en fond sonore...). Il faut bien reconnaître que la musique de Matt Elliott obtient une saveur totalement différente selon l'état d'esprit de l'auditeur. En effet, cet album (ainsi que la plupart de ses autres albums) est absolument parfait pour accompagner la dépression.
On dirait presque que Matt Elliott a essayé de matérialiser le spleen dans sa musique (voix grave et abattue, rythmes lancinants, tonalités mineures, une association entre la guitare et la voix qui évoque une certaine solitude, de nombreuses boucles et répétitions suggérant un ressassement perpétuel...). J'ai rarement autant ressenti de noirceur que dans sa musique ; l'ultime pièce, The Maid We Messed (dont le titre, qui fait froid dans le dos, rappelle son premier album) s'apparente finalement à une longue et merveilleuse complainte.
Inutile de comprendre des textes, quand il y en a : la musique est suffisamment évocatrice. Traduire ne fait que confirmer le ressenti. Le titre à double-sens de l'album est déjà un bon aperçu de la mélancolie que suscitent les paroles. Il existe en effet plusieurs types de chansons à boire, car il existe aussi deux façons de boire...
On peut le dire, cet album fout le cafard. Mais l'objectif ici n'est pas d'apprécier ni de susciter les instants de spleen et de chagrin : la voix d'outre-tombe de Matt Elliott fait au contraire office de soutien émotionnel, comme si ses lamentations scandaient notre propre peine, comme s'il nous comprenait et nous soutenait.
Il se dégage ainsi de sa musique une douce violence, tantôt exprimée avec langueur (The Guilty Party) ou avec des crescendi éclatants (The Kursk, The Maid We Messed), tantôt suggéré par un mélange fragile de cordes pincées et frottées (C.F. Bundy), qui porte une atteinte directe au cœur. Les courts sons inversés de A Waste of Blood et présents dans d'autres pièces me rappellent un peu le jeu Braid (un ressenti très personnel), pourtant sorti plus tard. C'est dire à quel point cet album fait preuve d'une profonde mélancolie.