Drones de drame
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Comme beaucoup, je suis persuadé que Muse a atteint son sommet artistique au début des années 2000, notamment avec Origin of Symmetry, et que The Second Law fut décevant. Néanmoins, je ne me range pas aux côtés de ceux qui crachent sur Drones par principe, amusement, lassitude ou simple conviction. Tâchons plutôt de prendre ce nouvel album pour ce qu'il est : un album-concept de rock alternatif, à vocation éclectique et expérimentale.
Si c'était leur premier album, on dirait sûrement que c'est très prometteur. On serait d'emblée convaincu par les deux premières minutes de "Dead Inside", qui nous plongent dans un rock alternatif accrocheur, avec une base rythmique puissante et des synthés bien dosés. On critiquerait à raison le morceau "Revolt", à la teneur définitivement trop commerciale, mais on y verrait une simple faute de goût et non pas un crime odieux qui plombe définitivement tout un album. On apprécierait "Mercy" à sa juste valeur puisque "Starlight" n'existerait pas comme élément comparatif. Quant à "Psycho", on chuchoterait que son riff envoie du lourd et que c'est un rock péchu comme il faut, toute transcendance à part.
Si Muse n'avait pas livré The Resistance et The 2nd Law, on trouverait que c'est une bonne idée de composer un album autour de la manipulation mentale et de la résistance. On aurait raison de mettre un bémol sur les paroles, qui manquent de subtilité voire d'élégance, mais on pardonnerait ce défaut car, tout de même, le chanteur Matthew Bellamy sait donner du relief à ces paroles grâce au sacré coffre qui lui sert de voix. On noterait des réminiscences de Full Metal Jacket, on apprécierait l'extrait d'un discours de Kennedy, et on s’exclamerait que "Drones" conclut l'album avec classe en réussissant l'improbable pari de reprendre un condensé des paroles en chant grégorien.
Mais le cours du temps ne se refait pas, et Drones est le septième album de Muse. Que peut-on alors trouver de particulièrement brillant à cet album, qu'on aurait affirmé avec un surcroît d'enthousiasme si c'eût été leur premier ? Au moins deux choses.
Premièrement, le tryptique formé par les morceaux "Reapers", "The Handler" et "Defector". Avec leurs riffs accrocheurs et leur production grassouillette, ces trois morceaux embarquent l'auditeur qui le souhaite dans un rock bourrin et salvateur. Celui qui fait frémir, celui qui fait sauter. En plus, leur structure est riche en rebondissements et les choeurs y sont du plus bel effet. On se situe là, quoi qu'en disent les sceptiques, dans un retour au rock dévorant de Showbiz : "Muscle Museum", "Cave" et "Sober" jouaient sur le même registre. Matthew Bellamy n'a jamais cessé d'être un authentique rocker.
Deuxièmement, le morceau "The Globalist". Muse a toujours joué sur le terrain du rock progressif, à raison d'un ou deux morceaux par album, et ils nous épatent une nouvelle fois. Cela commence doucement avec un sifflement et des cordes qui nous plongent dans l'ambiance d'un western, puis un roulement de batterie se pointe tandis que la guitare diversifie ses plaintes. Bellamy se met à chanter à l'occasion d'un changement rythmique, et le morceau devient trépidant quand une phrase se termine. Après la montée, viennent un climax tendu puis un apaisement où s'invite le piano, qui ne nous quittera plus. Nous avons alors droit à une montée et une explosion encore plus délicieuses.
Avec Drones, Muse ne réussit certes pas l'exploit de faire mieux qu'Origin of Symmetry. Mais qui s'y attendait, sérieusement ? Ne boudons pas et découvrons tranquillement les dernières créations d'un grand trio de rock qui a sans doute le meilleur de sa carrière derrière lui, mais n'en a pas fini pour autant de nous surprendre.
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Créée
le 1 janv. 2016
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