Album parfaitement superflu et en même temps hautement addictif, pur produit d’intelligence traversé d’une créativité acérée, Drum-Machines résulte de la collaboration entre eRikm et Les Percussions de Strasbourg, certainement l’ensemble contemporain le plus versatile et rigoureux de France.
C’est évidemment de texture dont il est question pendant un peu moins de cinquante minutes, mais aussi et surtout de rythmes, de leur agencement dans un espace pensé et voulu comme perpétuellement mobile et friable, canevas inquiétant et hautement réactif aux mouvements des cinq percussionnistes qui s’affairent à l’élaborer méticuleusement.
Mais la tendance à faire harmonie se voit toujours in fine altérée par la matérialité dissonante, rappel astucieux que ce n’est pas seulement le temps mais également l’espace qui est ici à l’œuvre. C’est même ce qui rend l’expérience d’autant plus attirante et magnétique, cette proposition crédible de replacer le son au sein d’une réflexion abolie de tout garde-fou harmonique potentiellement inhibant ; poésie hautement déconstruite et non moins fabuleusement cohérente par la radicalité de son approche.
Côté plaisir d’écoute on est je trouve encore un cran au-dessus de Rains puisque moins porté sur le récit d’une expérience, qui plus est empreinte d’historicité, avec ses finalités propres, étrangères, et finalement exogènes à la pureté du son, envisagé présentement comme entité neutre.
Non, là c’est bien le pur son qui « bruite » avant tout, et avec lui la conviction intime en une réalité acoustique qui fût affranchie de tout lien avec sa condition moderne, banale, d’objet de consommation. Une réussite technique et artistique tout simplement magique, qui constitue bien comme le professe Minh-Tâm Nguyen (coordinateur artistique des Percussions et musicien au sein de Drum-Machines), une « réorganisation des frontières de la création musicale d'aujourd'hui ».