TRAP's not dead

Avec des invités tels que Future, Kodak Black, le fréro Lil Baby, Roddy Ricch, Chris Brown, Drake & papa Thugger.

Avec Charlie Handsome, Metro Boomin, Mike WiLL Made-It, Rex Kudo, Southside, Taurus, Turbo, Wheezy & beaucoup d’autres.

Il était tout à fait possible d’avoir un album plaisant mais oubliable, perdu dans un trop plein de stars étoilées et de productions sympathiques mais sans grand caractère.

Un album trop attendu qui déçoit, à la manière du dernier Roddy Ricch.

C’est mal connaître Gunna.

À l’image de “Drip or Drown 2” et “Wunna”, Sergio Kitchens a pris son temps pour polir son joyau afin qu’il soit le plus éclatant possible au moment de sa sortie. On ne peut pas dire que sur DS4, il réinvente complètement le genre ou qu’il ait décidé d’ouvrir une voie plus introspective du personnage. Non, ici, Gunna, même s’il s'essaie à 1 ou 2 prises de risques, revitalise sa zone de confort, nous rappelle pourquoi il est tant apprécié par certains, voire adulé et à juste titre. Il faut dire que c’est un artiste qui a une idée assez précise de ses capacités et de ses limites pour savoir comment aborder au mieux son métier, et c’est une sacrée qualité.

Oui, il y en aura toujours pour juger sa musique comme une vulgaire formule répétée (la mauvaise foi) ou pour pointer du doigt le vide de ses paroles. Est-il nécessaire d'être un maître des mots pour être un maître de la Trap? Stop les conneries, le contraire a été prouvé maintes et maintes fois. Et, on dira ce qu'on voudra, GUNNA a des choses à dire à certains moments, comme sur le splendide “livin wild” (qui sample “Why me Baby” de LL Cool J & Keith) où il aborde des sujets tels que sa santé ou sa relation à dieu.

DS4EVER est réussi parce que même si l’on est en terrain conquis, on reste ébahis d'être, à chaque nouveau projet, étonné par l’alchimie entre Gunna et ses compères, que ce soit derrière les manettes ou devant le micro. Le grand Wheezy est, une fois de plus, un acteur majeur de l'album. Comme à son habitude, il nous gratifie de sacrés moments de bravoure. À commencer par L’intro "private island", un bijou d'Acoustic Trap sur lequel le rappeur parle de son chemin parcouru, de la crème. Et dès la seconde piste, cataclysme ! "Pushin ????" est un des Bangers de l'année, c'est acté. Future et Thugger entrent dans l'jeu, échangent avec Gunna à coups de ????️urple ????int, ????ink ????ussy, de ????ills et de ????orsches. Complètement récréatif et hilarant, ça fonctionneythme grâce au plaisir que prend ce trio stellaire. Des nappes perçantes permutent avec des boucles de violons menaçants dont Wheezy à le secret. Un must.

Le producteur revient dès la 4ème piste pour “mop”, 40 ème titre (à peu près) où Gunna et Thugger se retrouvent, le titre que les fans attendaient. En effet, ça faisait plus d’un an que Gunna avait teasé le morceau sur une vidéo où il conduisait. Résultat, un délice, les adlibs de Thug étant le sel qui donne toute la saveur au titre.

Mais la meilleure prod du super producteur d’ATL est l’exceptionnel “25K Jacket”. Les violons épiques sont de sortie, le rythme est ralenti et Lil Baby accompagne fabuleusement Gunna pour un titre hypnotique, bien trop court, où les 2 Trappeurs se fondent en un objet visqueux tel du slime, c’est enivrant, irrésistible.

D’autres magiciens sonores cassent tout, comme Metro Boomin qui s’allie avec Southside pour la déflagration “poochie gown”. Gunna fait le fanfaron, rafale ses ennemis et c’est un pur banger, un de mes favoris.

Mais là où Metro brille de mille feux, aidé de Chris Townsend, c’est sur “alotta cake” avec cette instru magnifique à base de cordes de harpes (ou guitares) presques métalliques et ces vibrations de flûte de pan, à peine audibles. Du travail d’orfèvre pour un Gunna se servant de plusieurs hauteurs de voix. Une merveille.

Metro est aussi au commande de "P Power", la collaboration avec Drake pleine de gémissement, une ode érotique réussie, noyée dans des gémissements féminins.

Parmi les grands noms, retenons aussi Mike Will Made It, à la réal de “thought i was playing” envoûtant et entraînant. 21 Savage, l’invité vocal y est incroyable crachant un flow mitrailleur.

L’habitué Turbo nous gratifie de prods souvent simples et subtiles, comme “how you did that” où Kodak Black déçoit malgré une flûte enchanteresse. Mais c’est sur “so far ahead>empire”, aidé de Taurus que son art brille le plus. Le vrai dernier titre (la piste 19 étant un remix de “Too Easy”) est un joyau de piano Trap qui laisse, à la 3ème minute, une guitare et des envolées vocales prendre place pour accompagner un Gunna qui démontre sa réussite et remercie dieu. Du miel.

Ce n’est pas le seul endroit où Taurus est crédité. Il est au manettes de cette chanson sexy-romantique sur laquelle, Gunna invite sa petite amie, Chloé Bailey (de Chloe X Halle) à venir chanter leur indifférence à la jalousie des autres. Le rappeur se veut touchant et honnête, c’était un pari risqué et ça fonctionne plutôt bien.

En résumé, DS4EVER est une énième sortie qui prouve que la Trap n’est pas morte et que dans le domaine, des gars comme Gunna peuvent encore faire preuve d’ingéniosité. Ils ne sont pas si nombreux à maintenir projets après projets, un niveau de plaisir et d’excitation si élevé. Gunna offre, une fois de plus, l'un des flux les plus fluides du rap, si fluide et facile à appréhender qu'il se rapproche du R&B tout en conservant l’assurance du hip-hop.

Ici, ce n’est pas la profondeur des paroles qui fascine, c'est le lien associatif des paroles, la façon dont les mots sont regroupés par leur son, qui frappe fort, témoignant du sens astucieux de Gunna pour une expérience sensorielle à part entière. Il a, aussi, une compréhension approfondie des types de prods à choisir et de ce qu'il peut faire pour interagir avec celles-ci.

Si Gunna était une personnalité plus grande et plus puissante, l'album pourrait ne pas fonctionner comme un voyage aussi fluide. C’est parce qu’il sait se fondre dans toutes ces bizarreries sonores ondulées que la magie opère à l’écoute de DS4EVER.

Oui, Gunna sait très bien ce qu’il fait et le fait divinement bien.