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La carrière de Jacques Dutronc peut facilement être qualifiée de "carrière en dents de scie", tant sur la régularité que la qualité des choses proposées. Néanmoins, on ne peut lui retirer l'influence considérable qu'il a eu sur la chanson française, constituant à l'époque une rupture nette avec la musique un peu niaise et bêtifiante des yéyés, étant même considéré par certains (dont Johnny Depp), et à juste titre, comme le premier punk français. Les trois carrières de Dutronc (1966-1975/1980-1987/1992-...) ont donc marqué les esprits, et le live que nous allons aborder aujourd'hui en constitue la quintessence.


Mais d'abord, et naturellement, recontextualisons un peu les évènements. A l'origine simple employé des disques Vogue, Dutronc fut propulsé au rang de star dans la tentative de Jacques Wolfsohn, célèbre découvreur de talents français (Johnny Hallyday, Françoise Hardy...), de contrer le succès du chanteur Antoine et de son titre "Les Elucubrations d'Antoine", lancé par le rival Christian Fechner (producteur de pas mal de films de Louis De Funès).


On adjoint à Dutronc, musicien accompli, un parolier tout assez talentueux: Jacques Lanzmann, à l'époque rédacteur en chef du magazine de charme Lui. Bien qu'ayant de forts différents, ils accoucheront ensemble de certaines des chansons les plus connues et appréciées du répertoire français: "Il Est Cinq Heures, Paris S'Eveille"; "L'Opportuniste", "Le Petit Jardin", "Et Moi Et Moi Et Moi"; "Les Cactus" pour ne citer qu'elles. La musique, assez rock, presque garage, de Dutronc et les textes acerbes, décrivant avec mordant la société française de la fin des sixties de Lanzmann constituent un mélange tout à fait inédit dans le monde yéyé.


Au fil du temps et de son succès, Dutronc s'adjoint également les talents d'autres paroliers, tandis que sa production musicale connait une baisse de qualité progressive, notre ami se consacrant même presque exclusivement au cinéma entre 1975 et 1980, devenant un acteur très demandé. Mais 1980 marque aussi le retour de Dutronc, en force avec un album "qui pète" (notez, notez ...), Guerre Et Pets, élaboré avec l'ami Gainsbourg, sorte de Play Blessures du pauvre, tout en restant sympathique.


Les eighties de Jacques Dutronc sont jalonnées d'albums et singles à la qualité discutable, dont le single amusant "Merde In France (Cacapoum)" (et son excellente face B, "Camisole") de 1984 et le fort correct CQFD de 1987, avec Earl Slick à la guitare et Jean-Jacques Burnel, des Stranglers, à la basse. Après cela, plus rien jusque ...


Nous en arrivons enfin à notre propos: 1991, sobre, Dutronc décroche le César du meilleur acteur pour son interprétation de Vincent Van Gogh dans le film de Maurice Pialat. Dans la foulée, la décision est prise de remonter sur scène, pratiquement vingt ans après sa dernière représentation. Au départ, seule une résidence au Casino de Paris était prévu, comme Gainsbourg l'avait fait en 1985, les murs de Lutèce se couvrant donc de cette élégante affiche qui constitue aussi la pochette de l'album live. Cependant, le succès est au rendez-vous, donc Jacques se lance sur les routes de France et de Navarre, rencontrant, là aussi, un grand succès.


Il faut aussi dire que l'équipe qui l'accompagne n'est pas constituée d'arrivistes: Jannick Top à la basse, Erdal Kizilçay (proche collaborateur de Bowie et d'Iggy Pop dans ces années là) aux claviers, au violon et à la guitare avec Khalil Chahine, musicien de jazz fusion égyptien. L'album issu de ces concerts est produit par Dominique Blanc-Francard, célèbre ingé-son français.


Dutronc Au Casino est donc un pur concentré de tubes. Durant les 71 minutes du disque, le chanteur et son groupe vont les égrener avec une énergie rock renouvelée, et qui a particulièrement bien vieillie, bien que le mix de la batterie laisse un peu à désirer. De "L'Opportuniste" (dont Dutronc livre ici sa meilleure version) à "Et Moi Et Moi Et Moi", en passant par les plus méconnus "Opium" ou "A La Vie A L'Amour", dans deux versions excellentes, assez mystérieuse et synthétique pour la première, jazzy légère et délicate pour la seconde; sans oublier le blues "La Fille Du Père Noël", furieux (bye bye au hasard, Balthazar...), le délire absolu "La Compapade" et le sommet "Il Est Cinq Heures, Paris S'Eveille". Ce live surpasse bien des versions studios des chansons évoquées ici.


Dutronc nous livre même deux inédits, "L'Âme Soeur" et "Entrez M'sieur Dans L'Humanité", signés par l'écrivaine vietnamienne Linda Lê, livrés ici dans une version très réussie.


Au final, Dutronc Au Casino n'a pas à rougir à côté des autres grands lives français. Il fait belle place au milieu du Live 1985 de Gainsbourg, de Polnarévolution de Michel Polnareff (1974) ou de Daho Pleyel Paris (2008)... A la fois album et best-of, il connut un immense succès, vendu à près de 800 000 exemplaires, c'est le best-seller de son auteur.


J'adore ce live et son ambiance, Dutronc y chante superbement, bien que sa voix ait été quelque peu attaquée par l'alcool et le cigare. Accompagné par des musiciens issus du jazz dans une relecture de ces plus beaux travaux, ce ne peut qu'être plaisant. L'oeuvre de Dutronc est des plus accessibles, il est grand temps qu'elle soit redécouverte. Au final, ce live n'a qu'un seul défaut: c'est de ne pas avoir pu inclure tous les succès de son auteur, "Le Petit Jardin, "L'Idole", "Fais Pas Ci, Fais Pas Ca" ...


Cet album marque le retour aux affaires musicales de Tonton Jacques, qui sortira son nouvel album studio deux ans après, Brèves Rencontres en 1995, toujours en compagnie d'Erdal Kizilçay.


Dutronc Au Casino, sourire en coin, cigare en bouche ...



Dutronc Au Casino, full album

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le 22 août 2022

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