Ce double CD bien rempli pose une question à laquelle chacun pourra apporter sa réponse : le Floyd peut-il être réduit à 26 titres absolument pas classés chronologiquement ? Dans mon cas, je penche vers le non assez net. Bien sûr, cette compilation a quelques mérites, dont celle de laisser une vraie place à la période Syd Barrett pour débuter et finir (Bike, très bonne conclusion surprenante). Elle inclut en plus 2 morceaux extraits de The Final Cut, le dernier album avec Waters en 83 dont When the tigers broke free, pas inintéressant bien que ça soit déjà plus un album solo de Waters que l’album d’un groupe alors au bord de l’implosion. On pourra toujours grogner sur la place trop importante accordée à la période Gilmour depuis 1987 mais qui, moi, m’a permis de découvrir ce groupe aux musiques étranges et aux mises en scène gigantesques quand j’étais ado. Sans les hisser bien sûr au niveau de ce qu’ils ont réalisé dans les années 70, leurs albums des années post Waters n’avaient rien de négligeable : High Hopes est un excellent morceau. Maintenant, posons la question de fond : comment choisir ces titres alors que le groupe n’a jamais raisonné en termes de « singles » mais toujours en termes d’album construit, pensé jusque dans les moindres détails comme les pochettes signées pour la plupart Hipgnosis ? Ces morceaux s’inscrivaient dans une place précise, complexe, décidée par les musiciens et dans un contexte particulier correspondant à la musique qu’il jouait à ce moment-là. Pink Floyd a conçu chacun de ses albums en faisant toujours évoluer le son qui le caractérisait : du rock psychédélique des débuts au rock plus pop de la période Gilmour en passant par le space rock de Meddle. A ce titre d’ailleurs, comment oser triturer Echoes, chef d’œuvre absolu de 24 mn sur l’album, pour le résumer à 16 mn sur cette compilation ? Le morceau perd sa cohérence et donc toute sa force. Je doute fort que les musiciens eux-mêmes aient accepté de couper ainsi leur morceau. Qui alors s’en est chargé, tiens ??? Difficile pour un titre aussi long de figurer sur une compilation même double…Ces morceaux au final perdent une grande partie de leur sens en les extrayant des albums comme par exemple Sheep, une chanson qui fait allusion au roman La Ferme des animaux de George Orwell, comme tout le reste d’Animals d’ailleurs : ces moutons représentent la couche sociale la plus basse, le prolétariat. Ils sont exploités, « à peine conscients du malaise dans l'air » (« only dimly aware of a certain unease in the air »). Dans le premier couplet, ils sont décrits comme broutant paisiblement, inconscients de leur sort, ignorant qu'ils vont bientôt se retrouver dans un abattoir. Ils sont avertis de la présence à proximité de chiens, les gardiens du système. La découverte de la réalité se fait dans le 2nd couplet : ils sont conduits dans la « vallée d'acier », qui peut aussi bien désigner l'abattoir que, métaphoriquement, les immeubles et le monde des usines (voir la pochette d’Animals). Suit une parodie du psaume 23 de la Bible, dans lequel les moutons expriment leur foi en un maître « au pouvoir immense et à l'appétit démesuré (« great power and great hunger »). Mais, dans un retournement de situation à l’ironie grinçante dont Waters est capable, les moutons « maîtrisent l'art du karaté » (« master the art of karate ») et se rebellent contre les chiens ! Malgré leur révolte, les moutons restent sous-éduqués et presque aussi ignorants qu’au début (3e couplet). Ils sont décrits comme des « vengeurs fous » (« demented avengers »). La chanson se conclut sur l'annonce joyeuse de la mort des chiens, aussitôt contrebalancée par deux ordres renvoyant au point de départ, les choses rentrant dans l’ordre rapidement : « You better stay home/ And do as you're told/ Get out of the road if you want to grow old » (« Reste chez toi et fais ce qu’on te dit, dégage du chemin si tu veux vivre vieux »). Compiler Pink Floyd me semble donc une tâche impossible et vaine. On a ici l’impression d’un fourre-tout à but commercial pour la maison de disques et les artistes aussi, c’est le but d’une compilation après tout. Si des jeunes qui écoutent cette collection veulent ensuite écouter leurs albums, après tout, pourquoi pas. Moi je ne suis pas convaincu.

JOE-ROBERTS
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le 1 oct. 2024

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