Egypt Station
6.6
Egypt Station

Album de Paul McCartney (2018)

Si de la pop Michael Jackson s'était autoproclamé Roi, Paul McCartney lui, peut sans peine en être considéré comme le Dieu. La légende raconte même qu'il aurait crée les canons de la pop en six jours seulement, avec la complicité d'un autre Dieu. Le septième jour il aurait commis "Press To Play", tout seul, comme par dérision. Mais aujourd'hui le Dieu montre de sérieux signes de faiblesse. Alors que reste t-il du grand Paul McCartney ? Soyons honnête, "Egypt Station", son dernier album en date, n'est pas un disque infamant, loin s'en faut. En revanche tentons d'être lucide et de mettre de côté l'admiration et la tendresse que beaucoup d'entre nous portons à Paul, "Egypt Station" est un opus médiocre, insipide. Il ne retranchera certes rien à sa légende, mais il ne lui ajoutera rien non plus.


Faire preuve d'une trop grande indulgence à son égard serait presque lui faire injure. Ce serait presque faire acte de trahison en regard de tout ce qu'il représente, de tout ce qu'il a représenté, et de tout ce qu'il continuera de représenter encore pour de nombreuses années. Paul McCartney restera dans les mémoires comme l'une des figures marquantes du XXe siècle musical. Il ne s'agit pas du premier quidam venu tout de même. On se doit d'être exigeant avec lui. Parce qu'il a du génie. Son don l'oblige.


J'ai l'impression que la réalité est dure à encaisser pour beaucoup de monde, mais Paul McCartney s'éteint petit à petit, en tant qu'artiste et en tant qu'homme. Sa voix déjà, autrefois si chaude et si claire, n'en finit plus de décliner. Elle sonne véritablement épuisée, vieillarde. Elle court après son souffle. Ses mélodies, à bout de souffle, peinent à émerveiller. Elles se traînent. Paul est devenu épuisable. Paul est devenu prévisible. Il ne possède plus le blitz, l'éclair génial, la fulgurance divine qui fît sa fortune. Il semble déserté, comme à court de magie. Il se présente désormais nu et sans sortilèges. Et c'est un crève-cœur. Il restera toujours un homme de bonne volonté, comme le prouve encore son "People Want Peace", mais malheureusement il ne guide plus personne. Il est le porte-voix dont la voix ne porte plus. Celui qui jadis possédait l'étincelle mais qui ne possède plus désormais que l'habileté d'un faiseur un peu mécanique, qui ne fait plus que répéter poussivement ses tours, réciter des secrets éventés ("Confidante", "Happy With You"). Depuis longtemps il a cessé d'être atemporel, tiraillé qu'il est entre sa gloire passée et ses velléités jeunistes. Pire, celui qui s'efforçait autrefois à créer l'hors du temps court désormais après l'air du temps. Une chanson telle que "Fuh You" est à cet égard indigne de lui. Elle est gênante. Elle blesse sa grandeur. Et je la place aisément parmi les pires chansons qu'il ait jamais produite dans toute sa carrière.


Malgré tout, l'insignifiance ne signifie pas pour autant la faillite. Quelques rares bons moments sont certes à noter. Paul sait encore distribuer des petits coups de cordes ou de vents à des moments opportuns, des sons de guitares inversés comme au bon vieux temps. Le piano chaud et ample de "I Don't Know" par exemple est agréable, et nous rappelle au bon souvenir de "Imagine". "Hand In Hand" est touchante mais manque d'un refrain pour relever le couplet et faire décoller l'ensemble. "Dominoes" est selon moi l'une des meilleures chansons de l'album, elle possède une fluidité assez plaisante, même si encore une fois la voix fait vraiment peine à entendre. "Back In Brazil" de son côté se révèle plutôt efficace au fil des écoutes (joli passage instrumental par ailleurs. Clarinette ?). Enfin le second mouvement de "Despite Repeated Warnings" est vraiment de qualité, vif et mélodieux (tandis que le premier me semble tout de même poussif).


Mais les bons moments d'Egypt Station sont autant d'îlots perdus au milieu de la fadeur. Quelques chansons qui ne font malgré tout, pas grand impression, et qui ne séduisent que par bribes. Des petits fragments d'étincelles répandus. Paul est devenu un vieillard, tout simplement. Un Dieu devenu mortel. A défaut de briller il perdure. Mais c'est le bout. La lumière s'effondre. Alors est-ce beau à contempler un Dieu qui se meurt ? Je ne saurais dire. Est-ce touchant ? Indéniablement. Mais c'est comme ça qu'il a choisi de partir le Dieu de la pop. Doucement. Sans heurts. Comme un soleil couchant. Et personne ne pourra jamais oublier la beauté de sa lumière passée. Et c'est ce que la légende retiendra.

Saint-John
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le 20 sept. 2018

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