Quatre ans. Après son album éponyme, Interpol méritait bien une pause. Un quatrième opus qui portait toutes les stigmates du split, jusqu’à sa pochette au logo éclaté. Une sortie décevante car mollassonne et trop portée sur l’expérimentation pour de mauvaises raisons. Dans l’intervalle, les élucubrations solos de Paul Banks (Banks, Julian Plenti et DJ Fancypants) ont su gagner en qualité et libéraient peut-être le groupe d’envies lourdes à intégrer. Le départ pétaradant de Carlos D, bassiste extrêmement respecté par le public et la critique, a compliqué la tâche et le frontman s’est même mis à la basse.
En promo, le trio n’arrête pas de préciser qu’il a du se resserrer pour mieux créer. Daniel Kessler a toujours ses riffs caractéristiques dans la manche de son 3 pièces, Sam Fogarino fracasse sa batterie comme jamais et l’ami Paulo n’est pas le dernier à briller derrière son micro. Au-delà du discours formaté, El Pintor est bien l’œuvre de 3 mecs qui savent exactement où ils veulent aller.
C’est une habitude, du moins dans ses bons moments , Interpol a su maintenir la pression. A force de morceaux bien construits, tendus comme des chibres gorgés de sang, El Pintor dresse sa toile au fil de sa tracklist sans dégorger son fiel. Seulement sur la fin, il délaisse quelques titres plus mous tels le finish "Twice as Hard". Le groupe aime à garder sa sortie pesante. Avec les premières sorties en single ou en clip, on savait que les nouvelles compos s'aventureraient sur des terrains connus certes mais efficaces et inspirés.
Il ne fait pas de doute et tous s'y accordent : on tient l'album le plus cohérent et réussi depuis Antics en 2004. A l'instar de leur prestation live à l’Alhambra fin juin, Interpol n'a jamais paru aussi sûr, puissant et cohérent. C'est sûrement ce dernier point qui est le plus important. El Pintor se déroule avec une assurance folle. Celle d'un trio qui semble reparti, malgré la perte médiatique d'un bassiste apprécié, vers des cieux qui semblaient bien loin à la sortie d'Interpol il y a 4 ans. Le revers de la médaille se traduit dans un album peut être trop immédiat. Certaines pistes s'arrêtent d'ailleurs presque sans raison et méritaient un couplet ou quelques minutes de plus. Autant de cohérence et d’énergie amène ce type de conséquence. "Ancient Ways" est tellement concise qu’on l’aurait bien vu durer, tout comme "My Blue Supreme" dans une moindre mesure.
En termes de composition et d'intensité, on retrouve là le groupe que nous étions si nombreux à apprécier. Pour sa mélancolie, sa parenté évidente avec la froideur des eighties et cette voix qui nous emporte... Pour quelques années supplémentaires au vu de ce disque qui ne souffre d’aucun temps mort mais qui pourra paraître trop monolithique à certains.
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