Pas de doute. Un bruit lourd qui nous heurte les tympans. Une voix gutturale qui tutoie les bas-fonds. Un son qui sort des entrailles de la bête immonde. Pas de doute. Ce morceau commence par la création du monde. And Gods Made Love. Et puis, le délicieux, Have you Ever Been (To Electric Ladyland), me glisse dans les oreilles, et coule sur tout mon corps. (Make love) x4. Des sons tricotés de guitare électrique. Des voix célestes au discours prosaïque:(Make love) x4. Entre soul et groove planétaire. Une ballade comme on en fait peu. Il y a tout dans cette chanson. L’inspiration (qui n’existe pas), le lyrisme, l’électricité, les sons électroniques qui ne vieillissent pas ou peu. Ce (sacré) disque n’arrive pas à vieillir. Crosstown Traffic. Turbulent et surpuissant. Aussi court que le précédent, en plus fulgurant. Urbain. Et les chœurs, qui ressemblent à une section de cuivres humaine. Avec les riffs de guitares qui ont l’air de tomber du ciel. Un(s) riff(s) génial(aux). Et en plus ça a l’air facile. C’est l’essence du génie, ça, non ? Donner l’impression que c’est super facile. Attention !
Ça commence.
Voodoo Chile. Blues suprême. Comme le disais Jimi lui-même : « Le blues c’est facile à jouer, mais difficile à ressentir » un blues qui démarre doucement. Avec l’orgue. Steve Winwood avance doucement. Et on entend plein de choses. Des questions-réponses en stéréophonie. Et des : « Yeah ! » Comme dans une église en plein office dominical. Yeaah ! Et la guitare hurle comme un tyrannosaure nain qui aurait un truc dans la gorge. Un chat peut-être. L’orgue miaule comme un chat qui danse. Yeah ! La basse maintient tout le monde sur les rails. Applaudissement général. Et ça repart. Tel un vieux bluesman courbé, qui peine, pousse sa misère, mais qui avance quand même. YEAH…Et le génie nous sort un solo qui vient d’on ne sait où, et s’efface. Solo de batterie. Virtuose. … .. Yeah !!! Il assure ce mec ! Et ça repart. Voodoo Chile. 15 mn, et on a la sensation qu’il aurait put durer une heure de plus. Le riff parfait qui enfle en crescendo jusqu’à la folie.
Little Miss Strange. Etrange en effet. Avec ses guitares acoustiques, sa cadence pop qui rappelle presque les Beatles. Ses chœurs enjoliveurs, et des riffs surprenants d’inventivité. Un arrangement…surprenant lui-aussi. Et voici mon préféré.
Long Hot Summer Night. Magnifique. Rare. Rien à dire. Á chaque fois que je l’écoute, j’entends tellement de choses. La chaleur du monde. Le western. Tout le country and western résumé en un plan de piano bastringue. Morceau d’une complexe et désarmante beauté. Rien à dire.
Come On (Let The Good Times). Rock «classique». Sauf qu’avec ce gars là, rien n’est réellement classique. Dès qu’il touche à quelque chose, on se dit qu’il vient de le créer. Et sa guitare qu’il fait crier. Hurler. Ceux qui l’ont vus sur scène rapportent qu’entre ses mains, la guitare parlait, réellement ( ?) Euh…comment c’est possible ça ? Mais ils insistent. Si. On l’a vu. Et beaucoup ont jetés leur gratte après ça. Eux, ils arrivaient pas à la faire parler. Fade out.
Gypsy Eyes. Re-Recording. Basse qui parle elle aussi. Un rock qui danse comme on le voit rarement. La basse bouge des reins. Bouge tes reins, bordel ! Et le chanteur qui hurle son amour. "I love your gypsy eyes". Son tridimensionnel, plans de guitares martiens. "I Love You!" Et il se fait avaler par le haut-parleur. "I Love You!!"
The Burning Of The Midnight Lamp.
Mon préféré. Un chant choral. Son électro inconnu. Le tout dans une boîte à électrolyse. Le lead vocal raconte une histoire. Et puis tout le monde s’envole. Un morceau étrange, et d’une solidité d’airain, dosé par un chimiste. On le croirait trop plein de trucs, de superpositions, d’écho. Mais non. On retire un truc, et tout tombe par terre. On dirait un Picasso, mais fait pour les oreilles. Saxophone ?
Rainy Days, Dream Away. Percussion. La guitare sifflote, et puis gicle sur les touches de l’orgue. Avec ses aller-retour, ses stop-encore. Ça vit. Ah, enfin ! Mon morceau préféré. 1983… (A Mermaid I Should Turn To Be.
Morceau composé en 1968 ? 1983. J’adore la basse sur ce morceau. Et les plans de guitares stratosphériques, qui me mettent la tête à l’envers. Je finis en apesanteur. La batterie se réinvente jazzy. On plane. Et on finit doucement, entre le feu des cymbales, et le ronronnement des ondes radio. Elles nous protègent du froid intersidéral. Nous sommes hors de ce monde. Et ça dure. Ça se calme. Un calme apparent. Trompeur. Le compositeur devenu architecte construit un autre élément de sa navette spatiale, brique par brique. La guitare, on ne l’entend même plus. Il ne reste que le SON. Le bruit. Le discours musical, et la batterie qui nous rappelle qu’elle est toujours là. Des flûtes( ?) Nous sommes désormais dans l’autre monde. Des lucioles s’envolent dans les airs. Ladyland. Enfin ! Nous sommes à Ladyland. Le pays magique de la fée électrique.
Et soudain, le chanteur se réveille, devient crooner, et nous rappelle le thème originel. Ah oui, c’est vrai ! Le morceau avait commencé comme ça. Une mélodie. Un riff (simple), qui revient, nous ramène, et pose la navette spatiale sur le sol. Slow. En lançant quelques coups de reins, de freins, et des cris d’orfraie. Magnifique. Electric Ladyland.
Moon, Turn The Tides…Gently, Gently Away. L’album de rock(?) s’avère être concept album absolu. Un bœuf sur l’immeuble, et il n’y a plus de limites. Tapez des mains ! Et la guitare électrique se déchaîne, devient complètement folle. House Burning Down. Le gars qui a composé ça, est un As. Puissant, simple, inspiré, riche. Dansant. Beau, tout simplement. Á plusieurs voix, trempées dans de l’hélium. Elles se dissolvent dans les membranes de l’enceinte STEREO. Et tout d’un coup, elles tombent, et tout s’arrête ( ?)
Sûrement un court-circuit…
All Along The Watchtower. Incontournable. Inimitable. Je suis tombé sur le cul quand j’ai appris un jour, que le morceau était de Bob Dylan, pas de Jimi Hendrix. Ça ne m’a pas surpris d’apprendre tout récemment, que ce même Bob était tellement impressionné par les arrangements qu’en avait faits Jimi, qu’il le joue comme lui dorénavant. Si ce n’est pas un hommage, ça ! Merde. Comment on appelle un gars capable de rendre un morceau meilleur que l’original ? Une salope ? Un enfoiré ? Un pote me disait qu’au foot, on appelle ça une salope. Celui qui a toujours le sourire. Qui fait tout mieux que tout le monde sans forcer. Celui qui, quand tu essaies de lui faire un croc-en-jambe, pour lui casser la jambe, et lui prendre le ballon, et bien c’est ta jambe qui se casse (!) Puis en une feinte il te laisse là, et va au but ? C’est ça. C’est une salope. C’est sûr. Celui qui a le calme serein de celui qui sait, et qui le dit :
« I’m a voodoo child »
Voodoo Child (Slight Return).
La basse n’est plus qu’un plus qu’un cumulo-nimbus, un gros nuage molletonné, pépère ; il est traversé par la guitare qui lance des éclairs. Mon préféré, je crois…Morceau que tout le monde confond avec Voodoo Chile, alors que c’est son faux jumeau, Voodoo Child (Slight Return). Le riff est devenu universel. Un thème de guitare électrique, qui fait fantasmer tous les guitaristes électriques de la planète. Morceau qui donne son titre de noblesse à la gratte électrique. Effet de boucle, vibrato, contrôle du larsen, distorsion, bruit de fond, résonance, jeu avec l’ampli. Il y a tout. Riff qui les fait tous rêver depuis. Et pas qu’ici, ailleurs aussi. Ce riff est devenu interplanétaire. Sur Saturn Delta, il paraît qu’on l’apprend à l’école. Sur Krypton IV-256, ils s’arrachent les cheveux. Ils disent :
« Par le Sarigamapadhani-Râga ! Comment on n’arrive pas à jouer ça ? Ça à l’air simple, pourtant. »
Et oui.
« Lord know. I’m a voodoo child » Yeah!
Et un solo…scientifique. Chapeau bas, messieurs.
Voodoo Child (Slight Return). Pour toutes les raisons citées avant, on ne dit plus une salope, mais un génie. Voilà donc le meilleur album rock de tous les temps. Avec un auteur-compositeur-interprète hors du commun, qui semble faire fi de la tradition, des pesanteurs et voir plus loin. Et Rolling Stone, (le magazine), tu peux aller te faire foutre.
Ça finit par un déchaînement d’harmoniques, et de bruit, de décibels. De casse et d’harmonie. Bienvenue au 21ème siècle, messieurs-dames. Nous sommes sur la planète Titan. Et selon la légende, les titans étaient supérieurs aux dieux. Puis de Titan par Mars vs Saturn Delta, on retourne sur terre. Retour sur le plancher des vaches.
C’est finit. Je suis couché. Lessivé. Je reprends lentement mes esprits.
Et là, claque un coup de fusil : « PAN ! »
??!Non. Ce n’est pas un coup de feu. C’est un pétard. Nous sommes le 1er janvier.
Bonne Année.