Quelques mois avant que la France ne subisse une tempête qui restera plus ou moins dans les mémoires, le monde musical subit lui aussi son propre cataclysme : le troisième album studio de The Dismemberment Plan.
Nous étions à la fin de l'année 1999. Le XXème siècle avait vu passer tous les genres de musique possibles et inimaginables. "Emergency & I" allait être la dernière claque underground de la décennie. Une claque certes, mais aujourd'hui encore méconnue du grand public. Mais comment définissons-nous une claque musicale ? C'est d'abord évidemment un album qui nous plait à la première écoute. Mais c'est aussi et surtout une œuvre qui nous surprend. Qui nous attrape là où on ne l'attend pas.

Et Emergency & I est complètement imprévisible. C'est un album qui passe d'un style à un autre comme on change de tenue, et tous les styles lui vont à merveille. Il n'y a qu'à voir la page Wikipédia de l'album, qui le classe dans "l'indie rock", "le rock progressif", "le post-hardcore", et "l'emo" (?), mais on pourrait tout autant ajouter l'art rock, le punk, le post-punk ou même la pop, si on voulait s'amuser à essayer de tout classer !
Le problème c'est qu'on ne peut pas décrire l'album sans l'aliéner. C'est tout un combinaison d'éléments pris à divers styles musicaux, qui mis ensemble en créent un nouveau. Ou peut-être pas. Cela peut être aussi un album d'indie rock plus original que la moyenne. Ou un album de post-hardcore plus tourné vers la pop ?
Décortiquer Emergency & I serait impossible à faire correctement. On louperait toujours un détail pour cerner parfaitement l'album. On a affaire ici à quelque chose d'unique.

Jamais des mélanges musicaux n'ont été aussi réussi. Comment peut-on passer à autant d'ambiances différentes sur "What Do You Want me To Say" ? On a un couplet saccadé et anxiogène, qui enchaîne sur un refrain pop semblant être repris de Weezer. Sur le papier c'est incompatible, mais The Dismemberment Plan nous prouve le contraire. Et c'est ça sur tout le disque. On passe de la fureur à la joie. De la mélancolie à la haine. Du calme au chaos. Ou tout à la fois. La batterie s'énerve ou devient minimaliste ("You Are Invited"), les guitares pleurent ("The Jitters") ou s'emballent complètement ("I ♥ a Magician").
Et ça se finit abruptement. Sur un "Back & Forth" inspiré de Dylan. A partir de là, une situation de manque se développe. On nous a tellement donnés qu'on veut en avoir plus. Mais la fête est finie, il faut tout remballer. La seule solution ? Remettre le disque depuis le début. Puisqu'on trouvera toujours quelque chose de nouveau dans ce qu'on a déjà écouté. Certains seront plus sensibles au côté expérimental du groupe, et la manière avec laquelle il se marie à la perfection avec un côté pop plus accessible. Ceux-là aimeront l'album dès la première écoute. Les autres pourront être perturbés par tant de richesse, ce qui leur nécessitera plusieurs nouvelles écoutes. Progressivement, l'affection grandira et on ne pourra plus se séparer d'un disque si atypique. Ce sera un plaisir personnel, un secret bien gardé. Et on sera tiraillé entre l'envie de le garder pour nous, ou au contraire de crier au monde que ce disque est une œuvre de génie.
Mellow-Yellow
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 23 déc. 2013

Critique lue 357 fois

8 j'aime

4 commentaires

Mellow-Yellow

Écrit par

Critique lue 357 fois

8
4

Du même critique

Rick et Morty
Mellow-Yellow
9

"Glenn this is a court order : it says you cannot eat shit anymore."

Le monde des séries télévisées ne cessera jamais de m'étonner. A ceux qui disent que la créativité baisse d'année en année, je leur répondrais "Et vous avez déjà vu Rick and Morty ?". Pourtant, rien...

le 2 nov. 2014

76 j'aime

10

Philadelphia
Mellow-Yellow
8

"It's like Seinfeld on crack"

"It's Always Sunny in Philadelphia" est une série assez atypique lorsqu'on s'y attarde. Si on ne prend que son synopsis, c'est une sitcom stéréotypée comme il en existe des dizaines : une bande de...

le 9 mars 2014

36 j'aime

Luv(sic) Hexalogy
Mellow-Yellow
9

It's funny how the music put times in perspective

Treize années s'écoulèrent entre la naissance de "Luv(sic) Pt. 1" et la publication de la sixième et dernière partie, "Luv(sic) Grand Finale", jusqu'à la publication en CD deux ans plus tard. De...

le 9 févr. 2018

33 j'aime

11