Le navire de l'amiral dérivait depuis longtemps sur les côtes. Il ne rentrait pas au port sous prétexte que sa nouvelle livraison n'était pas assez bien produite pour satisfaire ses moussaillons. De temps à autres, il en laissait échapper une partie ; « Je rêve d'un monde », « Ophélie Flagrant Des Lits » et on se rendait bien compte que ce n'était pas au niveau. Heureusement, en plein phare, il donnait encore des concerts qui nous rappelait pourquoi l'Amiral, c'était lui et personne d'autres. Puis la livraison est arrivée, au compte-gouttes...
Tout d'abord « L'Homme En Rouge », jolie chanson anti-Noël où l'on retrouvait tout son talent de mélodiste, bouffée par une prod' un peu trop grandiloquente. Encore deux ans, une intégrale, des excuses comme quoi qu'en tant que perfectionniste, il se devait de passer toujours plus de temps sur le mixage... pour arriver sur un second extrait, le piano-voix « Grandis Pas », où l'on ne comprend pas tout ce qu'il raconte car ces arrangements qui nous auront tant fait attendre sont trop fournis et compressés pour laisser assez de place à la voix de Polna' d'exister. Donc en quelques sortes, on a attendu si longtemps pour un mixage qui au final, est loupé.
Faut se dire, l'Amiral était peut-être complexé ; ses mélodies et ses textes n'étaient plus à la hauteur de ses grandes œuvres, il en a même fait une chanson, « Longtime », qui illustre ce manque d'inspiration. Du coup on se rattrape sur la prod', on met tout ses moyens dans l'orchestration. Il y a d'ailleurs plus de gimmicks intéressants sous-jacent les instrumentaux que sur les compositions mises en avant. Il aurait peut-être du sortir un album essentiellement d'instrumentaux. Parce que si l'on compare le supplice « Terre Happy » où il chante faux une mélodie qui ne va nulle part, aux sublimes dix minutes orchestrales de « Phantom », rappelant les grandes heures de Polnarêve, il n'y a pas phantom !
On se demande aussi si cela ne fait pas vingt-huit ans qu'il traîne avec lui tout ces titres. Les obsessions et rythmiques jazzy de « Positions » sont dans la lignée d''un Kama-Sutra tout comme « Sumi », qui fait partie de ces titres rigolos et accrocheurs dont il a le secret, ici sur un Rock endiablé, qui se répète tout de même pas mal. Oui, ces titres auraient pu avoir leur succès s'ils étaient sortis directement dans les années 90. Au lieu de ça, ils sonnent un peu déphasé ici. Dans les ratés, on peut également compter cette deuxième version désagréable d' « Ophélie », avec des chœurs d'enfants pour remplacer l'auto-tune... On s'en serait passé ! Parlant gosse, le disco simplissime de « Louka's Song » semble être présente juste pour faire plaisir à son môme. Il a été marqué par la naissance de son fils et ça se sent sur 1/3 de l'album.
Finalement, par ses détails, sa variété et ses quelques beaux restes musicaux, l'Amiral évite de peu le naufrage. Il faudra fermer les yeux sur pas mal de passages pour rendre la fournée acceptable mais on ne pourra pas échapper à une pointe de déception après tant d'attentes. Maintenant, il ne reste plus qu'à espérer l'opéra qu'il nous avait promis, car encore une fois, sans voix, cet « Enfin » ! aurait été une réussite. Le navire a t-il encore besoin d'un capitaine pour continuer à avancer ?