Juillet 1973, Montreux, Suisse. Dans une salle pleine, surchauffée, prennent place McCoy Tyner déjà suant comme un bœuf conformément à son habitude, Joony Booth à la contrebasse, Alphonse Mouzon à la batterie et le splendide Azar Lawrence au tenor sax pour fermer la marche : silence ! l’histoire va s’écrire…
Un peu plus de soixante minutes de modal lorgnant sur le free jazz le plus abouti, porté par un McCoy à la technicité démente et à la complexité rythmique ébouriffante… Le genre de disque à vous dégoûter de la musique pendant quelques jours une fois la première écoute terminée. Pur, sec, taurin, le style de frappe inimitable du pianiste se sait et se veut démiurgique, fatal, incontrôlable, lancé dans une furieuse course contre sa propre intelligence.
Des trois mouvements de l’Enlightenment Suite, aux colorations d’une exceptionnelle densité, jusqu’aux derniers tampons ignés délivrés au clavier durant Walk Spirit, Talk Spirit (foncièrement plus orienté vers le spiritual), le quatuor déboîte tout sur son passage et emporte avec lui, sans abstention aucune, l’adhésion d’une salle transie. Finalement Tyner s’essuie le visage du bout de sa manche – exténué ou en extase – et se lève, déjà légende, acclamé on ne sait combien de fois.