Une année avant la sortie de Illmatic de Nas, la scène rap New Yorkaise est dominée en grande partie par des groupes comme De La Soul ou encore A Tribe Called Quest, des groupes très afro centré, voulant représenter la communauté afro-américaine avec des textes toujours engagés mais beaucoup moins provoquant que ces prédécesseurs. Nous pouvons prendre le cas de Public Ennemy à la fin des années 80 ou encore les rappeurs de Los Angeles, où la provocation était leur plus grand symbole d’expression et de protestation. Face au mal être dû aux inégalités et à la pauvreté des quartiers dont ils étaient originaires. En effet, New York tout comme Los Angeles et l’ensemble des Etats Unis ont été touchées par les crises pétrolières mais aussi par l’explosion du Traffic de drogues et de son importation. New York et LA sont deux exemples parfait de ces inégalités aux Etats Unis, des villes où la richesse peut côtoyer l’extrême pauvreté. Même si des groupes comme De La Soul ou encore A Tribe Called Quest font cette parenthèse positive, le Boop Bap New Yorkais va devenir de plus en plus sombre. Des artistes comme KRS One vont se diriger vers des inspirations plus ténébreuses, voulant montrer leur quotidien afin de représenter leur borough's ainsi que leurs talents et ce qu’ils peuvent apporter à leur communauté. Parallèlement, le sample est à son âge d’or, des producteurs comme DJ premier, Pete Rock ou The Large Professor deviennent des maîtres du digger et collaborent avec de nombreux artistes du Queens, du Bronx ou encore de Brooklyn et Harlem. Le retour du BoomBap se fait progressivement et un groupe va grandement y contribuer, en révolutionnant le genre pour de nombreuses raisons, c’est le Wu Tang Clan.


En 1993, Wu Tang sort son premier album studio, avant de sortir un album il fallait tout d’abord se faire repérer dans le milieu, les membres du crew enchainent des freestyles et autres apparitions et finissent par faire leur premier album. La sortie de cet album doit s’accompagner d’un titre qui fera la promotion du groupe notamment sur les ondes radios, c’est alors que le single "Protect Ya Neck" sort pour la première fois. Dès les premiers jours, ce titre est une bombe sur New York puis aux USA, on y avait déjà vu des groupes de Rap. Il y avait notamment NWA à Los Angeles ou encore De La Soul à NY, mais dans le Wu Tang il n’y a pas 5 rappeurs, mais 9 rappeurs. Et dans ce single, il s’agit simplement d’un freestyle où posent ces 9 rappeurs, c’est-à-dire 9 couplets. Il y a RZA, GZA, ODB, Method Man, Inspecta’Deck, GhostFace Killer, Capadonna, Raekwon, U God et Masta Killa. C’est totalement inédit dans le rap, c’est une révolution pour le Boom Bap. Mais cette révolution ne concerne pas seulement le nombre de membres de ce groupe, mais elle concernent aussi sa production qui est faite par un des membres du Wu Tang, RZA véritable génie du sample. Nas dans Illmatic à collaborer avec les meilleurs producteurs, mais RZA réalisait lui-même ses productions, et pour le coup elles étaient ultra-novatrices. RZA réalisent pour 36 Chambers des beats incroyables inspirés de vieux films asiatiques de Kung Fu, où ces films sont samplés puis introduit à la production. De plus, les références musicales de RZA sont nombreuses, ce qui lui permet de trouver une alchimie entre les autres membres du groupes et ses production alors que lui-même va aussi rapper avec ses confrères.
En plus des instrus totalement novatrices et sombres produites par RZA, chaque membre du groupe a ses particularités, son caractère, sa différence. Ainsi, chaque couplet a ses différentes inspirations et origines en fonctions du membre du groupe mais aussi son flow approprié ainsi qu’une technique propre à chacun des membres du groupe. ODB va représenter par exemple la folie totale dans ses paroles. Des inspirations venu d’ailleurs, que ce soit dans ses paroles que dans la manière dont il place son flow. Alors que GZA, va par exemple être un chirurgien de la rime ou encore Method Man va se démarquer par son Charisme. Chaque membre représente alors une personnalité rendant le groupe très attachant. De plus, comme je l’évoquais en intro, la plupart des rappeurs new yorkais sont issus des boroughs comme le Queens, Brooklyn ou le Bronx. Harlem dans l’arrondissement de Manhattan est aussi un grand vivier. Mais pour le coup Staten Island était considéré un peu comme le Borough non représenté à New York que ça soit dans le rap mais pas seulement. En effet, Staten Island est de l’autre côté de l’eau et dans les années 90 s’il n’y avait pas la voiture, le seul moyen de se rendre dans le centre de New York pour un habitant de Staten Island, était de prendre le ferry. Le borough étant longtemps considéré comme isolé. De plus, Statent Island est à majorité conservatrice, avec une communauté blanche plus importante qu’à Brooklyn ou dans le Bronx. Wu Tang va ainsi représenter avec fierté leur borough, même si certains membres du groupe sont de brooklyn le borough le plus proche de Staten Island. Ainsi, le Wu va réussir à mettre Staten Island dans toutes les têtes, notamment par ses innovations musicales, son originalité, sa technique, mais aussi par son alchimie. Et puis c’est quand même fou d’entendre 9 Mcs rappés sur des samples de vieux films asiatiques, sur des sample sombres et froid représentant ce borough abandonné de New York et la difficulté d’y vivre avant le rap pour les différents membres du crew. Car malgré tout, comme les autres boroughs de NY, Staten Island était touchés par les différents problèmes sociaux que pouvait connaître une communauté affaiblie par l’émergence de la pauvreté et des inégalités. Statent Island est d’ailleurs un Borough très inégalitaires du fait d’une communauté blanche plutôt riche, tandis que les autres communautés connaissent d’avantage de pauvreté créant parfois de fortes disparités entre les quartiers ou ces mêmes communautés.


Ainsi le Wu Tang, va opérer un véritable changement dans le rap par leur originalité, le boom bap New-Yorkais devenant ainsi de plus en plus sombre. Le Wu Tang va savoir exprimer cette noirceur avec des concepts totalement en dehors de la norme, ce qui va en faire sa force. De plus, les flows et techniques des différents membres du groupe varient, chacun à sa particularité, ce qui fait qu’on a toujours un rappeur du Wu auquel on s’identifiera d’avantage. Ce qui deviendra très intéressant par la suite car certains membres du Wu vont sortir par la suite des albums solos incroyables. Restant fidèle notamment à leur sonorité et aux caractéristique des différents membres. Une sonorité qui change là aussi des sentiers battus, par ses inspirations et en comparaison avec certains producteurs New-Yorkais de l’époque comme Dj Premier ou Pete Rock. 36 Chambers est pour sûr l’un de mes albums favoris par son innovation, par sa folie, par sa technique, mais aussi par ses instrus et le travail des samples qu’on peut retrouver dans les morceaux Tearz ou C.R.E.A.M. Là encore, pour un premier album, c’est un nouvel éclat de génie et la suite arrive, avec les différents albums solos du Crew qui vont sortir les années suivantes. Avec notamment l’album d’ODB symbolisant parfaitement sa folie ou encore les masterpieces de Raekwon et Gza.

Asmara24
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le 4 janv. 2022

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