Carpenter Brut. Carpenter déjà, et l'hommage n'est pas anodin. En entrant dans la ville poisseuse au ciel orange et sale de la pochette, c'est comme si on pénétrait dans l'un des films du sombre cinéaste. En hochant la tête au rythme des beats, en fermant les yeux, on s'imaginera volontiers des protagonistes barbus, virils comme un cuir usé, se figer devant la caméra tandis que le nom de l'acteur (de préférence Kurt Russell) apparaît en lettres capitales blanches. "Division Ruine" en serait l'exposition musclée et "Invasion A.D." le final en forme de cliffhanger grandiose où, dans une dernière image ambiguë, le Bad Guy rouvre les yeux hors de vue du héros une seconde avant que n'apparaisse un générique de fin dont le Vangelis de Blade Runner n'aurait pas renié l'épique.
Carpenter Brut de décoffrage ensuite. Parce qu'on est clairement pas là pour rigoler. Le groupe tabasse d'un bout à l'autre. Et pour cause, celui-ci a été notamment engagé pour la B.O. d'un jeu vidéo qui, lui, tabassera au sens le plus littéral : le deuxième volet de Hotline Miami et son ton ultraviolent sorti tout droit des eighties sordides. "Run, Sally, Run!" un titre bien évocateur pour une course-poursuite effrénée qui se mue peu à peu en une épopée à la Justice. Climax incontestable d'un disque déjà riche en sommets, "Turbo Killer" et ses orgues funestes n'auraient pas dépareillés sur la B.O. d'un Castlevania, alors qu'il ne nous reste plus qu'une chose à faire ; affronter Dracula. Seule "Anarchy Road" dépareille un chouia, avec sa partie chantée qui, si elle n'est pas mal interprétée, apparaît superflue en regard des vraies forces instrumentales de Carpenter Brut ; la plainte des synthés s'avère bien plus touchante. III ne laisse pas de répit dans sa fresque épico-macabre mais réussit tout de même à ne pas gaver sur la longueur, pour la simple et bonne raison que de longueur il n'y a pas vraiment ; le format d'EP s'avère idéal pour ce que propose le groupe. C'est à dire un bon coup de poing dans le bide, pas plus, pas moins.
Carpenter Brut de pomme enfin. Non seulement parce qu'il pétille dans la bouche mais surtout parce qu'il a fait l'objet d'une maturation finement orchestrée. Ce n'est pas un groupe débutant qui vient nous percuter hardiment les tympans ; son style très référencé, il a eu tout le loisir de l'aiguiser au long des deux volumes précédents de sa trilogie, dont III, vous l'aurez compris, constitue l'ultime volet. Cette maturation d'autre part, on la soulignera dans l'usage que Carpenter Brut fait de son style. Oui, ça schlingue les eighties à des kilomètres à la ronde, les amateurs s'y retrouveront sans peine, mais le groupe a su moderniser tout cela et se distinguer de la masse en pagaille des revivalistes. Sa vision des années 80 sonne on ne peut plus actuelle, grâce une ampleur dans le son et une audace dans la composition qui force le respect. Enfin j'ai beau dire, dans cet EP y a pas seulement que d'la pomme...