Epicus masterpicus metallicus
Ce chef d'oeuvre du genre est peut-être indépassable.
Premier disque d'un groupe suédois aujourd'hui encore vivant, seul album enregistré avec le charismatique Johan Langqvist de la formation, pochette épurée et percutante, tracklisting resserré et sans faute de goût, tous les ingrédients sont réunis pour faire d'Epicus Doomicus Metallicus le meilleur album de heavy doom.
Car oui, il faut bien ici subdiviser. Le genre du doom metal, peu connu du grand public et pas forcément le plus populaire du metal en général, appelle à la division de la généricité tant ses explorations sont nombreuse,s diverses et variées. Black Sabbath en pose évidemment les jalons dès 1969. On appelle ça alors heavy metal. Le genre tombe un peu en désuétude dans la décennie et Black Sabbath se tourne vers un son plus conventionnel et moins lugubre. A la fin des années 70, quelques formations retrouvent un son proche et se revendique du premier Sabbath. Je pense notamment à Cirith Ungol, qui à titre personnel n'a jamais eu mes suffrages. Mais ce sont les années 80 qui verront le genre renaître et s'imposer en tant que tel : deux groupes fondateurs, Saint Vitus dès 1984 avec un album éponyme terrassant et évidemment Candlemass en 1986 avec ce disque, qui donne son nom au genre. Le mixage est parfait, contrairement au Saint Vitus qui reste sur une terre lo-fi et crade exploitée par la suite avec succès par des myriades de groupes (cela donnera les variantes sludge et stoner du doom). La clarté et la précision de Candlemass, alliées à la théâtralité outrée du chant et à la grande technicité des musiciens et des arrangements très mélodiques, ouvre la voie vers le doom heavy (en gros, du heavy metal en plus lent et plus lourd), puis plus tard au doom dit "traditionnel" (encore plus lent et moins mélodique) porté à des sommets par Reverend Bizarre.
Bref, tout ça pour signaler l'importance générique d'un tel album.
Sur le contenu, la première chanson, lancinante et déchirant, est presque un manifeste à elle seule, et sera moult fois reprise. Je lui préfère néanmoins les dantesques et plus variés "Demon's Gate", "Under the Oak", "Black Stone Wielder" et "A Sorcerer's Pledge" avec son final féminin de toute beauté. Des riffs acérés à foison, une interprétation certes ampoulée mais portée par une voix magnifique (pourquoi ce mec n'a-t-il plus chanté, bon sang !?), et des textes extrêmement fouillés maniant tous les thèmes de la littérature gothique et occulte traditionnelle : dieu, satan, la foi, la Bible, l'amour, la sorcellerie, la mort, etc. Jetez un oeil à ces textes c'est vraiment assez beau. S'il fallait exclure une chanson, ce serait pour ma part "Crystal Ball", la plus caricatural et excessive du disque, mais qui n'est pas sans charmes.
Bref, je ne me lasserai jamais de cet album inépuisable et épuisant, désespéré mais follement lyrique, noir mais traversé par la lumière.