SANS DIRE UN MOT.
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le 3 nov. 2018
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Il est vraiment impossible de comprendre pourquoi tant de gens détestent Jaden Smith. Heureusement pour Jaden, sur son nouvel album Erys, il n'essaie plus de le savoir.
Jaden Smith présente son alter ego punk-rap et intensifie l'expérimentation de sa deuxième sortie, renversant les thèmes et le récit de Syre , ses débuts en 2017 , tout en maintenant une qualité élevée.
Bien sûr, il est facile de comprendre pourquoi quelqu'un qui pense comme Jaden est bizarre. Il y a eu les tweets cryptiques (qui étaient assez drôles quand vous vous rappelez qu'ils venaient de l'esprit d'un garçon de 15 ans). Il y a eu tout l' affaire du costume de Batman.
Même le concept même d'album/alter ego est assez étrange si vous y réfléchissez trop longtemps.
Jaden, dont la vie entière ressemble à une performance artistique de plusieurs années, est si à l'aise de glisser dans les personnages que d'incarner son alter ego brutal pourrait en réalité convaincre certains que les cheveux roses, la posture menaçante, les chaînes, et les faux tatouages font vraiment partie de son honnête posture.
Il y a (et il y aura toujours) ces pseudo-fans de Hip-Hop qui adorent détester Jaden Smith parce qu'aussi, il faut bien l'avouer, c'est un "fils de" né dans la richesse et le confort d'une famille qu'on ne présente plus.
Ces fans vont naturellement ignorer les efforts progressifs d'un homme de 21 ans qui travaille activement à redonner au monde. Ils ignoreront le prix humanitaire que la Environmental Media Association lui a attribué en 2016. Ils ignoreront qu'il continue à fournir de l'eau potable aux habitants de Flint, qui ont été essentiellement abandonnés par leurs représentants gouvernementaux. Ils vont même ignorer sa dernière contribution: Un food truck végétalien qui distribue gratuitement des repas sains aux sans-abri.
Cela n'a peut-être aucun impact sur son art mais j'aime particulièrement les artistes qui donnent. Ils le peuvent, eux, et ils le font, eux.
Mais revenons à ERYS.
Sur le plan sonore et lyrique, ERYS glisse dans l’obscurité, retravaillant la mythologie biblique de SYRE au fil des titres qui font défiler des images de la mort, du pouvoir, de l’opulence, de la séparation et de la renaissance. ERYS apparaît comme l’autre côté de Jaden Smith, s’adressant au SYRE plus silencieux et plus sensible alors même que les deux se croisent.
Le parallèle d’introduction P, I, N, K, (pistes 1, 2, 3, 4) dans ERYS avec l’introduction B, L, U, E, dans SYRE ne sera pas perdu pour les fans assidus .
Ancré dans le mythe et la métaphore sacrés, "P" est un petit morceau rêveur et éthéré qui met la sœur de Smith au premier plan. Sous la direction d'accords de piano, la jolie voix chorale de WILLOW résonne avec la guitare électrique et insuffle une tension dramatique à l'intérieur, laissant les couches se fondrent l'une dans l'autre. Le son meurt comme une transition sans faille.
Les sirènes de la police entrent avec un bruit de fond comme si elles avaient été extraites d'une séquence de poursuite en voiture, et "I" se défend de manière convaincante , s'écartant radicalement du rêve en boucle de "P". Accrocheur et confiant, il est impossible de ne pas hocher la tête.
"N" émerge au milieu d'une réverbération nerveuse et d'un backtrack croissant qui trouve sa définition dans un rythme explosif. Fort de la mythologie avec des rappels presque sinistres à SYRE et à ses cadres, c’est la production sur "N" qui maintient la tension. Le refrain confie à Tyler Cole et à Jaden Smith la responsabilité d’un moment poignant face à la mortalité et à la fragilité « Un autre jeune nigga parti au coucher du soleil» / «Oh, mon enfant rebelle, un autre est décédé aujourd’hui » avant qu'arrive une fin éblouissante et pensive, rappelant le pitch-play de Frank Ocean.
"K" résume la préoccupation parallèle liée à la couleur, avec Harry Hudson en introduction.
La guitare brille à travers une ballade patraque avec WILLOW.
Un intermède palpitant incorpore astucieusement le son en boucle d'une tondeuse à cheveux en marche avant que le fantastique commutateur de beat ne s'en mêle, accouchant pour la fin du titre un moment intense à se décrocher la mâchoire.
La matrice nous invite maintenant dans le monde d’ ERYS au-delà de PINK, un joli glissement dans "NOIZE" . Fouillant d’action, Jaden résonne à la fois d’agression et de légèreté, faisant la navette entre des vers durs et des refrains rêveurs.
Cependant, Tyler The Creator est le véritable atout, réalisant une entrée percutante et suave à la fois, additionnée à la finesse de son couplet magnifique. Du timbre brutal de la voix indéniable de Tyler à l'accent étonnamment accrocheur qu'il met sur certaines paroles , "NOIZE" tire le meilleur parti de ce featuring décalé. Un banger frappant qui travaille solidement dans le monde anarchique d’ ERYS.
"I-drip-or-is” démarre avec un adorable xylophone avant de plonger dans un rythme incroyablement doux, étalé sur un backtrack bourdonnant. Bien énervé et pompant d’énergie, "i-drip-or-is" plonge droit dans un brouillard de distorsions, en projetant de jolies images avec des paroles comme « Je devais changer de style / Tu sais Je vis dans les étoiles.»
La minuterie de la rythmique entraîne les vocalises faussées de Jaden vers une fin silencieuse et minimale.
"Again” est une piste extrêmement amusante où Jaden frappe sur un rythme semi rapide. L'accent mis à la fois sur les percussions rock infusées par la guitare électrique et un beat hip-hop retentissant.
Puis à 2:20, la couleur change pour un interlude magnifique. Jaden prend le chemin d'une promenade sonore étoilée, ce qui en fait un moment de rêve et d'émerveillement.
"Got It" entre en tension mais s’agrandit de façon experte pour accueillir des images lyriques d’opulence et de luxe. Un mini-Banger qui va laisser ses auditeurs hocher la tête, souhaitant qu'il soit juste un peu plus long.
"Fire Dept" est un jeu de courbes passionnant qui pourrait permettre à des auditeurs de se demander si c'est toujours ERYS, ou encore Jaden Smith.
Le petit Smith enfonce ses dents dans une impulsion punk-rock, "Fire Dept" aide Jaden à s'épanouir dans le nouveau paysage inventif d' ERYS. Après avoir attribué à Fall Out Boy une influence majeure dans une interview avec Rolling Stone, il est facile de voir d'où vient ce titre incendiaire. Les sons bruyants se transforment en une pensée dénudée et "Fire Dept" se régale dans son propre chaos, vacillant avec autant de rap que de punk.
"Mission", une piste sombre et lunaire qui marque la moitié du parcours d’ ERYS. Smith bascule habilement entre l'indifférence woozy et le dédain plus aigu, échangeant pas à pas alors qu'il énonce des paroles bizarres du genre " Je viens de me réveiller avec une vague / Je suis Marie Antoinette avec le gâteau, mon amour." Trinidad James arrive dans le troisième vers, un segment qui transporte une énergie semblable à, je trouve, celle de "New Orleans" de Brockhampton.
"Summertime in Paris" rassemble à nouveau les frères et sœurs Smith et leur duo ne déçoit pas. La onzième piste, à la fois douce et tendre, évoque à la fois le rêve et l’amour de Paris. «L’ été, on est censé tomber amoureux / je vous ai écrit un poème par surprise » est un refrain curieusement résonant, faisant écho à un sentiment très pur. La sincérité est douloureusement simple, articulée en répétition floue et en accords tendres. WILLOW croque et plonge magnifiquement sur son couplet, alternant haut et bas, profond et compact, offrant à Summertime in Paris une profondeur variée.
"Blackout" continue cette histoire de récits émotionnels, alors même que le punk-rock revient sous une nouvelle forme dans le choeur. Les vers sont dépourvus d'interférences et un beat perturbant nous entraîne.
3:15 l'instru balaie le fond pour marquer un changement d'humeur, la voix de Jaden est plus claire, sans hésitation, se combinant de manière terrifiante avec la batterie.
Et à 5:05 Le titre laisse place à des grattements acoustiques qui rendent «Blackout» plus fort, les impulsions punk encore plus douces. Titre saisissant.
"Pain" ramène la badasserie sur un arrière-plan époustouflant pendant deux grosses minutes.
Puis de nouveau un joli virage dans la partie où un peu de français amoureux est entendu, alors que le morceau se transforme en une ballade jazzy de fin de soirée.
"Chateau", qui comprend A$AP Rocky, garde les choses énervées et découpées. Le vers de Rocky danse sur un rythme vif et un travail particuliers sur les accords.
Jaden apporte une voix distordue contrastant avec la clarté du rap de Rocky.
Un peu court mais agréable.
"On My Own” est une chanson hors du commun, qui plaide en faveur d'une collaboration Jaden Smith/Kid Cudi super bien exécutée qui exploite le pouvoir dynamique et le talent des deux artistes en question. Non seulement il exploite les forces de ses deux rappeurs, mais "On My Own" s’adapte presque parfaitement à l’ énergie séduisante et nerveuse d’ ERYS. Kid Cudi et Smith sont profonds, déprimés et impossibles à résister. Pulsant avec une énergie noire enivrante, “On My Own” superpose des voix entêtantes et permet à sa production de tisser une sorte d'atmosphère dangereuse et libératrice.
"On My Own" est aussi convaincant que créatif.
“Riot” et la batterie écrasante s'ajoute facilement au sous-courant punk-expérimental d' ERYS.
Jaden, dramatiquement dans le duel une fois de plus, vocalise clairement le backtrack énervé du rock-rap. "Riot" prend une tournure plus élancée en une instru punk accentuée avec d’excellents percussions, menant à une interprétation dure et rauque.
Une outro déformée et réussie met fin à «Riot».
"ERYS” , titre et dernier titre de l'album, est aussi le plus long du projet.
Depuis les instincts rauques du punk-rock sur le beat discordant et la guitare électrique, "ERYS" s’installe dans des paysages déformés où une instru minimale permet à Jaden de ruminer l’amour et le désir perdus. Cette clarté est déplacée à mesure que le son d' "ERYS" chargé de réverbération prend le dessus avec des paroles auto-référentielles qui portent ERYS dans un focus final captivant.
La façon dont Jaden s’appuie sur l’image stéréotypée est intelligente, mais plus intelligente est la façon dont il l’utilise pour déconstruire les idées fausses et les préjugés. Comme l'horreur jumelle diabolique du film Us , Erys offre à l'auditeur un miroir, un dédoublement de métaphores qui, selon moi, fait défaut dans le hip-hop moderne.
"ERYS" est un album qui ne ressemble à aucun autre. Pourtant, il n'est pas très compliqué d'entendre en Jaden Smith des artistes de génie tels que Kanye West, XXX, ou encore Travis Scott sans pour autant tremper dans le plagiat. On sous-estime le talent qu'il faut avoir pour faire ressentir à un auditeur les effluves des plus grands sans être une contre-façon.
Jaden prouve non seulement que l'esprit pionnier du rap brut et original est toujours présent, mais qu'il peut également coexister avec toutes les autres expérimentations musicales insensées que les artistes du monde de la musique puisse souhaiter entreprendre. Personne n'est jamais vraiment une seule chose.
"Si vous me détestez, continuez à regarder. Tu n'as pas encore tout vu." Disait-il.
8/10
Créée
le 16 oct. 2019
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