Idéalement, cette critique négligerait le fait que Thomas Dutronc est fils de… Sauf que, son visage et sa voix appellent la comparaison avec son père. Thomas sait certainement cela et il préfère en jouer intelligemment. L’album m’a été offert par ma lectrice préférée (qui apprécie de lire des critiques, dont les miennes, sans pour autant éprouver le besoin de s’inscrire sur le site), en compagnie de qui je l’ai écouté une bonne dizaine de fois sur autoradio cet été.


Ne connaissant pas Thomas, j’appréhendais la filiation. Encore un privilégié naturellement introduit dans un milieu n’hésitant pas à user de toutes les ficelles pour s’autoentretenir? Commençons donc par cette inévitable comparaison avec la figure paternelle. La voix de Thomas porte en elle le gène familial : les intonations, le timbre, le phrasé, un ton ou perce une gentille ironie, dois-je en rajouter ? Par contre, sa voix est plus chantante que celle de Jacques. Les textes sont souvent rafraichissants, à la fois ironiques et légers, avec pas mal d’humour (sans le côté provocateur de son père). Les thèmes sont portés par des thèmes éternels : l’amour et les questions existentielles (sans prise de tête). Si l’album n’a rien de révolutionnaire musicalement parlant, ses airs imprègnent la mémoire avec un grand naturel.


Sur le premier titre, l’un des meilleurs ici enregistrés, on remarque quelque chose d’assez caractéristique de l’album, un rythme vif imprimé par les percussions alors que la voix de Thomas Dutronc reste presque nonchalante. Le contraste donne un charme très particulier. Sur ce titre, on hésite à deviner un léger manque d’assurance. Finalement non, c’est la manière de Thomas qui est tranquille à sa façon.


Tout cela pour dire que si Thomas Dutronc a choisi la voie de la musique (au lieu de devenir, au hasard, médecin ou banquier), ce n’est probablement pas une façon de s’opposer au père (ou à la mère), mais une façon d’affirmer que dans ce domaine (où il a forcément baigné), il a lui aussi quelque chose à apporter, même si ce n’est pas génial. Cet album a les mérites du charme et de la fraicheur. S’il faut le classer, disons qu’on est du côté de la chanson française de qualité (influences diverses dont le jazz manouche et un peu de pop, utilisation de nombreux instruments dont la guitare pour Thomas, travail avec le compositeur David Chiron et contributions de Matthieu Chedid), avec quelques hommages (mais le titre interprété en duo avec Jacques n’est pas le meilleur).


Quelques mots sur le titre de l’album, que je trouve représentatif, outre le fait qu’il s’agit de celui interprété en duo. Éternels ? Oui pour ceux qui auront laissé une trace, comme des artistes tels que Jacques Dutronc. Mais sans aucune illusion. Pourtant, la mention jusqu’à demain rappelle aussi bien que tout est éphémère (Dutronc le nom, mais aussi la notoriété et la trace laissée en ce monde), que la volonté de transmettre quelque chose et de passer le flambeau. Tout cela passe dans les paroles. D’autre part, si on peut en première écoute trouver que dans leur duo, la voix de Jacques domine celle de Thomas, ce n’est qu’une fausse impression. La prise de son est équilibrée et on distingue parfaitement les deux timbres, ce qui permet au passage de lever le doute : oui, Thomas a bien sa propre personnalité, à la fois proche et différente de celle de Jacques son père.


Enfin, puisqu’il faut mettre une note pour publier une critique, disons que l’album est moins marquant sur les derniers titres. Aucun titre à jeter mais aucun non plus de transcendant. 6 serait la note de la sévérité. Thomas Dutronc n’ayant pas choisi la facilité, je préfère une note encourageante.

Electron
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le 17 sept. 2015

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