J'ai connu Slowdive tard, alors que le groupe n'existait déjà plus, au tout début des années 2000, via une petite amie 7 ans plus jeune que moi qui avait eu sa période « shoegaze ». En 1992, j'ai vu My Bloody Valentine en concert et j'ai trouvé ça vraiment terrible mais le shoegaze n'a jamais été mon truc : la disto en se regardant les pieds, les voix sous hélium, les tronches de cakes, le côté neuneu, tout ça... Slowdive était carrément devenu une blague entre nous. Rien que le titre de leur album le plus écouté : Souvlaki Space Station. Et Pita Gyros Orbitale, peut-être ? Moussaka Death Star ?
Une dizaine d'années plus tard, un ami âgé de 7 ans de plus m'a fait découvrir l'album Pygmalion, qui avait échappé au radar de cette petite amie et donc aussi au mien. Celui là était beaucoup plus à mon goût, dans la veine Talk Talk/David Sylvian, et m'a fait totalement apprécier le groupe. Rien que pour lui, j'ai dans la foulée acheté un pack midprice de leurs trois albums des années 90. Puis j'ai déménagé cinq ou six fois et j'ai perdu Pygmalion, pour de bon, puisque plutôt introuvable de nos jours. Quand j'avais une envie de Slowdive, je me suis dès lors souvent rabattu sur Pyta Gyros Orbitale, que j'ai réévalué à la hausse. Et puis ce fut 2017 et un retour aux affaires vraiment fantastique de Slowdive ; sans doute l'un des seuls albums au monde de groupes reformés des années après leur split initial à ne pas sonner nostalgique et/ou ridicule (Pixies, I'm talking to you).
Everything is Alive, le petit nouveau, paraît de prime abord plus anecdotique que cette charge héroïque de 2017. Slowdive se montrait alors plutôt rentre-dedans alors que celui-ci est à nouveau plus planant mais pas dans le genre Pygmalion, vu qu'il garde majoritairement une structure pop et des batteries entraînantes. Plus proche de Moussaka Death Star, en fait, mais avec 35 ans de bouteille et rien à prouver en plus. Plus intemporel que nostalgique. Développant un son à part de tout et bien à soi plutôt que lorgnant vers les recettes gagnantes de la jeunesse noisy nineties. Carrément un peu OVNI sur les bords, dans le contexte contemporain.
Bref, si quelqu'un de 7 ans de moins ou de plus me demande des conseils sur Slowdive, ce n'est certainement pas l'album vers lequel je vais le ou la diriger en premier mais il n'en est pas moins certainement plus original et meilleur que Just For A Day, par exemple. Nous avons donc bel et bien un groupe capable de drôlement mieux sonner 30 ans après leur « golden years » qu'en 1991-92, alors que personne n'attendait pourtant plus rien d'eux, sinon de rejouer leurs « tubes » jusqu'à la mort. Ce qui est suffisamment rare pour être applaudi.
La rigolade reste cela dit tout de même permise, vu que Slowdive est désormais perçu comme un fer-de-lance de la « dream pop », voire de la « vapor wave » et de « l'etheral chill ». Autrement dit, alors que le groupe évolue pour le mieux, une partie de ses fans et de la critique continue de le considérer comme juste bon à faire chouiner la communauté ouin-ouin. En d'autres temps, j'aurais sans doute moi-même retitré cet album « Everything is Sleepy. ». Mais là non, consommons donc ça entre adultes. L'âge bête, un moment, il faut pouvoir en sortir.
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