Après un renouvellement parfait opéré sur Reflektor, le groupe se retrouve face à une grosse difficulté : celle de devoir se positionner après une si belle réussite.
Se renouveler encore ? Renouer avec les anciens albums ? Puiser dans les tendances ?
Arcade Fire semble indécis et nous sert un fourres-y-tout un peu improbable, sûrement peu attendu, et un brin déplaisant. L'album, si l'on peut lui critiquer son manque de cohérence de par sa tentative de puiser dans une multitude de styles, me parait assez bien ficelé dans son ensemble. Toutefois il ne se dégage de celui ci aucune force comme l'avaient très bien réussis les albums précédents, surtout les puissants The Suburbs et Reflektor. Peu de titres se dégagent du lots, certains y parviennent malheureusement dans le mauvais sens du terme comme le douloureux Chemistry (sorte de Vampire Weekend dopé au ska). L'identité d'Arcade Fire semble s'effacer au profit de toutes ces tentatives qui se révèlent alors infructueuses. En se voulant plus pop (pour élargir l'audience ?), le groupe passe à côté de ce qui a fait ses succès précédents.
Il faut cependant saluer le coup de génie de leur campagne de marketing, présentant Everything Now comme une marque (céréales, t-shirts...), accompagnée de faux articles sur de faux sites créés à l'occasion et reprenant les codes de sites réels (tant dans leur aspect visuel que dans leur contenu et la manière de le transmettre). Le nouvel album se présente, comme son nom l'indique, en réponse à notre désir insatiable d'avoir constamment quelque chose à nous mettre sous la dent (du contenu, du buzz, du média, du divertissement etc...). Et certains titres portent bien cet aspect de par les thèmes abordés (je pense à Creature Comfort, Infinite Content par exemple). Attention toutefois à ce que l'album ne tombe pas dans son propre propos et donc dans l'autocritique, quand il nous tend un produit presque formaté pour le plus grand nombre. Mais bon, avec sa fin pas terminée, Everything Now semble nous dire de manière presque involontairement sarcastique : "vous voyez, on vous sert pas tout, tout de suite" ...
En bref, un coup de promotion magistralement orchestré pour l'album qu'il est. Quelques bons morceaux (Everything Now, Creature Comfort, et les 4 derniers) qui assurent le minimum pour éviter un mauvais album sans pour autant se hisser dans les rangs des meilleurs titres du groupe ; quelques morceaux pas très bons (Chemistry, Infinite Content) mais qui plairont peut-être à ceux qui ne cherchent pas du Arcade Fire et tombent dessus pas hasard ; et d'autres morceaux qui, s'ils ne sont pas mauvais, manquent de piquant et de l'identité indé du groupe (un peu tous mais surtout avec Signs of Life, Electric Blue, Everything Now). Mais des thèmes abordés intéressants pour certaines chansons aux paroles touchantes (Creature Comfort et son "it's not painless, she was a friend of mine, we're not nameless", Good God Damn et son "maybe there is a good god, if he made you", We Don't Deserve Love en entier). Donc un album pas trop mal, mais pour un groupe de la trempe d'Arcade Fire, il n'est pas à la hauteur du reste de leur discographie. On peut espérer que c'est le coup de creux difficile à éviter après un renouvellement très bien réussi sur Reflektor. En tout cas cet album ne m'a pas fâché avec le groupe et j'attend déjà de voir comment ils rebondiront par la suite. Et puis qui sait, peut être qu'avec le temps et les nouvelles écoutes de l'album mon avis évoluera et je me rendrai compte que je suis passé à côté de quelque chose. Qui sait ?