Il n'est pas facile de s'appeler Arcade Fire en 2017, d'avoir composé l'un des albums les plus importants du XXIè siècle, d'avoir livré pendant des années les performances scéniques les plus bouillonnantes, les plus exaltantes qui soient, et d'essayer, encore et encore, de se renouveler, de rester pertinent. "Everything Now", comme "Reflektor" ou "The Suburbs" avant lui, est donc un album "d'après", lorsque les sommets ne sont plus envisageables, puisqu'ils ont été deux fois vaincus : Win Butler cherche un nouveau concept, un nouveau son, une nouvelle manière de relancer la machine, qui, logiquement, plus de dix ans après, est fatiguée. Cette fois, ce sera l'emprise absurde des marques, de la publicité, de la communication sur nous. Jusqu'au désespoir, jusqu'au suicide même. Le tout, comme sur "Reflektor", en dansant, mais avec une grimace épuisée sur le visage. ABBA sous tranxène, Bowie quand les lignes de cocaïne sont épuisées, ce genre de choses. La bonne nouvelle, c'est que, contrairement à tout ce qu'une horde de vieux fans déçus par l'abandon de la furie épique de jadis affirme, Arcade Fire sait toujours trousser des chansons aux mélodies irrésistibles, immédiatement mémorisables, voire même ci et là d'immenses chansons ("Put Your Money on Me" enchante et attriste à la fois comme les meilleurs morceaux de "Neon Bible", donc rien n'est (vraiment) perdu, non ?). La mauvaise, c'est que l'énergie aveugle du groupe a été remplacée sur "Everything Now" par une sorte de neutralité presque énigmatique : pour la première fois, Arcade Fire jouerait au second degré ? Et ça, peu sont disposés à lui pardonner, ni d'ailleurs à la grande facilité - qualifiée de "commerciale" non sans mauvaise foi - de bien des chansons. Personnellement, j'espère que Win ne prendra pas la mouche, et que son disque se vendra aussi bien, mieux si possible, que les précédents. Car le XXIè siècle n'est pas si riche que ça en artistes qui vont voir ailleurs s'ils n'y sont pas, qui n'hésitent pas à se frotter à la laideur du monde, au risque assumé d'y perdre un peu de leur âme. Alors, on arrête de bouder et on dit merci à Arcade Fire d'être toujours là. Pour nous. [Critique écrite en 2017]
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