« ...Just one drink and I'll fall down drunk... »
« Exile on main street » est l'unique double album dans la carrière des Stones. Il sort en 1972 et est toujours produit par Jimmy Miller. Il est un album majeur dans la carrière de Jagger et sa bande. Mis à part « Tumbling dice », il ne comporte pas de tubes comme « Let it bleed » et « Sticky fingers » pouvaient en posséder mais sa grande force sera d'être d'une grande régularité. C'est un grand mérite. On connaît tous le risque d'un double album. Le danger est de tomber dans l'ennui et de voir la qualité s'estomper. Mis à part quelques exceptions*, Exile ne déçoit jamais.
* On ne change pas une équipe qui fait match nul, dés lors, on doit se retaper non pas une mais deux reprises sans intérêt (« Shake your hips » et « Stop breakin' down »). Deux car double album sans doute. Arrêtez les reprises les gars, vous valez mieux que ça. Non mais franchement, c'est lourd.
Je ne sais pas s'il est meilleur que « Sticky fingers », les deux opus se tiennent de près. D'un côté, une constellation de classiques et de l'autre un marathon d'une richesse incroyable. Car oui, la grande force d'Exile est sa richesse. Toute la musique américaine y est passée en revue. Encore plus que sur n'importe quel autre album des Stones. L'éternel blues, l'inévitable country, la soul en abondance et même du gospel. Sans gros tube, Exile n'a pas eu le succès des précédentes œuvres du groupe mais encore aujourd'hui, il faut reconnaître qu'il est une pièce maîtresse de leur discographie. Il est le prolongement de la triplette « Beggars banquet », « Let it bleed », « Sticky fingers ». Résumé d'une montée en puissance. Les Stones sont décidément bel et bien au sommet de leur carrière. Les disputes entre Jagger et Richards, les problèmes de drogue et cet exil forcé sur la côte d'azur n'auront jamais raison de leur talent. Ils ont déjà connu Brian Jones et Altamont. Ils en ont vu d'autres. Rien ne peut les stopper. Et la côte d'azur, j'y viens. La justice anglaise les ayant rattrapé pour leurs dérives toxicomanes, ils n'avaient d'autres alternative que de se réfugier dans la villa de Richards. La légende y fait état de nombreuses orgies. Foutaises que le groupe a toujours niées. Bref, une légende urbaine. Des dérives certes mais exagérées par les propos de certains.
Difficile de faire une synthèse claire, nette et précise d'Exile tant il est copieux. En plus il surprend par moment avec « Rip this joint » et « I just want to see his face ». Deux titres qui restent dans l'idée d'explorer les States mais qui en même temps font figure d'OVNIs sur l'album. « Rip this joint », c'est le vrai rock & roll à l'état pur dans sa plus simple définition. Come back dans les années 50. « I just wanna see his face » qui m'a toujours envoûté. La plus intriguante de l'album. Elle sonne différemment. Ce son sort tout droit d'une vieille cave humide. Organique et crasseux. Ca sent l'artisanat à plein nez et ça me fait trippé.
Mais en fait, c'est tout l'album qui me fait trippé. C'est régulier. De « Rocks off » à « Soul survivor » en passant par « Loving cup », « Let it loose » et « Shine a light », tous les titres où presque se valent malgré leur spécificité respective. Il n'y a pas de creux. Exceptionnel pour un double album. Exile nous fait bouger, planer, nous relaxe, nous met de bonne humeur et nous émeut. Tout cela à la fois. Exile retourne le nouveau monde de fond en comble jusqu'à la dernière cabane abandonnée du bout de la Louisiane. Mettez vos bottes, y aura des marécages les gars. Rassurez vous, il fera plus sec près des champs de coton. On finira par un tour en barque sur le Mississippi si le temps le permet. Après un tel voyage, les Stones pourront-ils encore faire mieux ? Pourront-ils enchaîner avec autant de brio ? Après l'écoute d'Exile, on a l'impression qu'ils ont fait le tour de la question et qu'ils pourraient s'arrêter là et malgré tout rester à jamais au panthéon du rock.
La perle : « I just want to see his face »