Exmilitary
7.6
Exmilitary

Mixtape Street de Death Grips (2011)

Je pense que j'ai sous-estimé cet album lors de ma première écoute, étant donné qu'il s'agit du tout premier album de Death Grips, je pensais qu'il était très bien, très intéressant mais sans plus. Et finalement, après avoir décidé de me retaper les trois meilleurs albums du groupe (Exmilitary, The Money Store et Bottomless Pit), j'ai pris conscience de tout le génie de cet album qui est selon moi un putain de chef-d'oeuvre et parmi les meilleurs albums de hip hop de tous les temps.


Et en plus de ce statut, je considère que Exmilitary est le meilleur album du groupe, le plus complet et le plus riche musicalement. Même si The Money Store fait également partie des meilleurs albums du groupe, je trouve que l'ambiance qu'il construit, cette espèce d'esthétique plus festive et libertine au niveau des sonorités et des paroles, garde une certaine linéarité, une certaine cohérence tout le long de l'album. Contrairement à Exmilitary qui lui va dépasser les dernières frontières du genre du hip hop, afin de l'emmener à des points qui ont rarement, voir jamais été exploré auparavant. Selon, il ce place comme l'origine et The Money Store comme la conséquence de cette origine.


J'ai toujours considéré Death Grips comme le successeur direct de The Prodigy, leurs styles sont tellement proches et tellement puissants. C'est assez dur pour moi de les départager, de savoir lequel est le plus inventif et le plus subversif vis à vis de son genre. Mais en tous cas, je trouve vraiment que leurs styles ce ressemblent, que ce soit dans la brutalité de leurs rythmiques, de l'inventivité et du travail de l'accumulation des instrumentales et des différentes textures. Y'a vraiment un lien fort entre ces deux groupes.


Et pour revenir à Exmilitary, l'album constitue la part la plus bestiale, la plus monstrueuse de toute la discographie de Death Grips. Ce n'est pas l'orgie de The Money Store, ni le chaos de Bottomless Pit, ni même encore la froideur de No Love Deep Web, c'est la manifestation la plus brutale et la plus animale du groupe.


On se prend cette métamorphose, cette animalisation en pleine gueule, pendant plus de 40 minutes, et on se fait maltraiter, secouer, et déchiqueter, à travers certaines des conceptions et des esthétiques sonores les plus puissantes et violentes de toute l'histoire du hip hop. Et même après toutes ces années, ses singles restent toujours des références du genre, ils restent toujours aussi puissants et contiennent toujours leurs fraîcheurs et leurs innovations.


Et en plus de ça, l'album développe une multitude de genres musicaux radicalement différents, et là on parle de ce que fait Lil Yachty avec l'album Let's Start Here par exemple, c'est-à-dire de s'inspirer d'albums de rocks psychédéliques et progressifs clairement identifiables. Non, Exmilitary réussi à créer et à développer de nouvelles facettes au rock, au hip hop, à l'industriel et à l'expérimental qui, selon moi, n'ont jamais été développé auparavant.


Le morceau Beware par exemple, j'ai juste l'impression d'écouter la fin absolue du hip hop, c'est juste la conclusion de tout ce genre, une espèce de voyage ultra contemplatif, ultra jouissif et lent. Avec ces paysages sonores, ces samples de guitares en arrière-plan, qui rajoutent un aspect extrêmement planant, extrêmement lent et transcendant au morceau. Il y a juste une simple ligne de basse et la voix grave et pleine férocité de Ride qui rajoutent une pleine puissance, une pleine brutalité à ce morceau qui jusqu'à maintenant ressemblait juste à une espèce d'esthétique alternative et cauchemardesque de Basinski.


Ensuite la brutalité implacable de Guillotine et Takyon, avec leurs putains de drops de synthés, leurs basses industrielles perçantes, violentes et complètement distordues, entrecoupés par de longues phases de vides sonores. C'est vraiment les deux morceaux les plus bruitistes et les plus puissants de l'album selon moi, travaillant tous deux une ambiance purement noise, purement brutales, sans aucunes espèces de tendresse vis à vis de l'auditeur. La voix de Ride sur ces morceaux est juste terrifiante, à l'image de la musique industrielle et noise, c'est-à-dire complètement exalté, erratique et rageuse.


Je peux aussi parler des morceaux I Want It I Need It, Spread Eagle Cross the Block qui travaillent ce même accompagnement dégradé et altéré de guitare couplé à une rythmique de riffs simple mais cependant particulièrement épineux et perçants. Ces morceaux permettent de créer une nouvelle dimension à l'album, une dimension plus tournée vers du rock expérimentale et industrielle, ça donne une vraie touche en plus à l'album, quelque chose de plus filant, de moins terre à terre.


J'aime également tout l'aspect festif et exalté de Lord of the Game, avec cette surenchère complètement chaotique de percussions aux rythmiques presque tribales, et ce featuring de Mexican Girl qui fonctionne parfaitement bien, qui crée un effet de correspondance et de réception au morceau. Toujours dans cet aspect festif, j'apprécie énormément le morceau Thru the Walls, justement à cause de sa musique et ses rythmiques très carnavalesques et déjantées.


En résumé, cet album n'est qu'une colossale ode à l'expérimentation, à l'accumulation et à la démesure musicale. Il y a des centaines d'idées esthétiques pour rendre chaque morceau iconique et vivant de la façon la plus extrême qui soit. Toutes les percussions, les beats et les samples utilisés vibrent incroyablement bien, c'est juste dingue à quel point ce groupe à compris le pouvoir émotionnel du son.


J'ai tellement aimé cet album, j'ai tellement aimé cette vision de la hip hop qui est selon moi la plus puissante esthétiquement, toutes époques confondues.

Créée

le 3 mars 2023

Critique lue 61 fois

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Ayllich

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